Faut-il s'inquiéter des nouvelles relations entre la Russie et la Corée du Nord ?

Lorsque le monde a appris que le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un prévoyait de rencontrer en personne le président russe Vladimir Poutine, la sonnette d'alarme a été tirée.

Les craintes mondiales concernant d'éventuels transferts d'armes se sont rapidement concrétisées au lendemain de la réunion, lorsque des responsables de la Maison-Blanche ont publié des images montrant une augmentation de l'activité maritime et terrestre entre les deux pays.

Le secrétaire de presse du Pentagone chargé de la sécurité nationale, John Kirby, a expliqué aux journalistes que la Corée du Nord avait expédié plus de 1 000 conteneurs de munitions et d'équipements militaires aux Russes afin d'aider Moscou dans sa guerre en Ukraine.

Selon NBC News, John Kirby a également affirmé que Kim Jong-Un voulait acquérir des technologies d'armement sophistiquées auprès des Russes en échange de munitions et d'équipements militaires de la Corée du Nord, afin de stimuler son programme nucléaire.

Ce rapprochement entre la Corée du Nord et la Russie est un signe que la nature de la politique dans la région est en train de changer, Moscou cherchant à renforcer ses alliances là où elle le peut.

Sanctionnée et isolée du reste du monde, la Russie est devenue un paria au même titre que la Corée du Nord en ce qui concerne l'influence mondiale. Selon le Kyiv Independent, cette situation a poussé Moscou à entrer dans une nouvelle ère de relations avec la Corée du Nord.

Depuis la chute de l'Union soviétique, la Russie et la Corée du Nord entretiennent des relations étroites mais conflictuelles. La Russie est l'un des rares pays à maintenir une ambassade en Corée du Nord, mais leurs relations n'ont pas toujours été au beau fixe.

Moscou a soutenu plusieurs résolutions imposant des sanctions contre Pyongyang aux Nations unies, notamment en 2010, 2013 et 2017. En outre, Vladimir Poutine a déclaré que la Russie continuerait à imposer ces sanctions même après la visite de Kim Jong-Un.

À l'heure actuelle, la coopération croissante entre la Russie et la Corée du Nord pourrait n'être que ce que l'on pourrait appeler un "mariage de raison". Les deux pays pourraient exploiter la situation géopolitique actuelle pour obtenir ce qu'ils veulent de l'autre.

"La situation est encore purement basée sur l'idée que nous allons vous donner quelque chose et que nous voulons quelque chose en échange", a déclaré Natalia Matiaszczyk, une experte de la situation du groupe de réflexion polonais Institute for New Europe, dans The Kyiv Independent.

"Il n'y a pas de coopération idéologique", a ajouté Natalia Matiaszczyk. Mais cela ne signifie pas que la nature changeante des relations actuelles entre Moscou et Pyongyang n'aura pas d'impact sur la sécurité dans la région, en particulier en ce qui concerne les transferts de technologie.

Robert Carlin et Siegfried Hecker, de Foreign Policy, ont écrit dans leur analyse du sommet entre Vladimir Poutine et Kim Jong-Un que ce n'était pas nécessairement un signe que la Corée du Nord se rapprochait de la Russie, mais plutôt qu'elle s'éloignait des États-Unis.

"Il semble que Pyongyang ait conclu que les tendances géopolitiques à long terme appellent à un réalignement avec Moscou et Pékin comme la voie la plus pratique et probablement la plus sûre à suivre pour la Corée du Nord", écrivent Carlin et Hecker.

Toutefois, un tel réalignement nécessitera des liens plus étroits entre les ennemis de Pyongyang dans la région. Selon Matiaszczyk, une coopération plus étroite avec la Russie obligera probablement le Japon, la Corée du Sud et les États-Unis à se rapprocher, ce que la Chine ne souhaite pas.

On ne sait pas encore comment cette situation complexe va évoluer. Mais ce qui est clair, c'est que Moscou et Pyongyang ont l'intention de poursuivre leur coopération approfondie après la récente visite du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, en Corée du Nord.

"Les deux parties ont eu un échange approfondi sur l'intensification de l'action commune sur plusieurs questions régionales et internationales, y compris la situation dans la péninsule coréenne et dans la région de l'Asie du Nord-Est, et sont parvenues à un consensus sur ces questions", ont annoncé les médias d'État nord-coréens, selon Reuters.