La chasse en France : un enjeu politique ?
C’est officiel ! La liste Alliance rurale, conduite par le président de la Fédération nationale des chasseurs, Willy Schraen, va participer aux prochaines élections européennes en France.
Ce n’est pas la première fois que les chasseurs tentent d’être représentés en politique. En 1989, l’année du bicentenaire de l’abolition des privilèges (notamment celui de chasse pour la noblesse), le parti Chasse, pêche nature et traditions (CPNT) avait été créé.
Cette formation politique avait connu un relatif succès au bout de quelques années, avec 6,77 % des voix et 6 députés envoyés au Parlement européen en 1999.
CPNT a même présenté un candidat lors de deux élections présidentielles successives : Jean Saint-Josse (sur la photo) en 2002 (4,23 % des voix, soit plus d’un million), puis Frédéric Nihous en 2007 (1,15 %).
Mais le mouvement a fini par s’essouffler et par rejoindre la droite classique, jusqu’en 2019 où il a changé de nom pour devenir Le Mouvement de la ruralité.
Mais pourquoi les élections européennes sont-elles si importantes pour les chasseurs, dont la pratique est réglementée par l’État français ? Car l’Union européenne est compétente sur les questions de protection des espèces et des habitats naturels.
Comme le rappelle le spécialiste des questions européennes, Nicolas-Jean Brehon, dans ‘Slate’, « le cadre européen a des conséquences sur les prélèvements, les périodes et les formes de chasse. »
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Et les contentieux sont nombreux devant la justice européenne, certains étant toujours en cours. La France a déjà été condamnée pour non-transposition ou non-respect des directives sur la protection des oiseaux sauvages et sur la protection des habitats naturels.
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Un exemple récent : celui de la chasse à la glu, pratiquée pour capturer des oiseaux vivants. La Cour de Luxembourg a jugé que, malgré son caractère traditionnel, son manque de sélectivité la rendait contraire au droit européen. L’autorisation de cette chasse a été ensuite annulée par la justice française.
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Au niveau national, cette pratique ancienne a été progressivement étendue depuis la Révolution française. Ouverte aux propriétaires en 1789 puis aux contribuables en 1844, la chasse a été autorisée aux fermiers sur les terres qu’ils louent en 1946, puis à tous sur les terres communales en 1964.
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Aujourd’hui, le nombre de personnes qui pratiquent la chasse est évalué à un million sur le territoire français, selon le Ministère de la Transition écologique.
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Cependant, cette multitude cache une grande diversité des pratiques. Interrogé par ‘National Geographic’, l’anthropologue Charles Stépanoff distingue la « chasse sportive » pratiquée par l’élite dans de grands domaines fermés, et la « chasse paysanne », principalement vivrière.
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Un arrêté de 1987 précise quelles espèces sont chassables : il y en a actuellement 89 en France, réparties entre gibier sédentaire, gibier d’eau et oiseaux de passage.
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Des mesures plus récentes ont renforcé l’encadrement de la chasse, comme l’interdiction d’utiliser certains types de chiens en 2015 ou l’interdiction des pièges noyants en 2018.
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La pratique de la chasse fait l’objet de polémiques régulières, notamment entre représentants des chasseurs et militants écologistes. Face aux accusations de nuire à la biodiversité, les chasseurs mettent en avant leur rôle dans la régulation des espèces.
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Un autre sujet inflammable est celui des accidents de chasse. ‘National Geographic’ rappelle que, même si leur nombre a diminué de 41 % entre 1999 et 2021, plusieurs dizaines d’accidents mortels sont à déplorer chaque année.
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Selon un sondage de l’Ifop, commandé par des associations de protection de la nature et mentionné par ‘Géo’, 70 % des Français ne se sentiraient pas tranquilles à cause de la chasse lorsqu’ils se promènent dans la nature. Une proportion plus élevée parmi la population rurale.
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Pour lutter contre ces dangers, un plan sécurité a été adopté en 2023. Il prévoit l’interdiction de chasser sous l’emprise de l’alcool, la création d’une application d’État sur les lieux et temps de chasse et un renforcement de la formation des chasseurs, comme l’indique le ministère de la Transition écologique.
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Cependant, l’interdiction de chasser le dimanche, souhaitée par 78 % de la population selon le même sondage, n’a pas été instaurée en France, contrairement à d’autres pays comme l’Italie, l’Espagne ou la Suisse.
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Il n’est pourtant pas exclu de trouver un terrain d’entente entre chasseurs, promeneurs et riverains. Pour Charles Stépanoff qui cite en exemple une commune bretonne où plusieurs accidents ont eu lieu, interdire la chasse dans certaines zones ou à certains moments est un compromis possible.
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Une autre critique adressée à la chasse est l’utilisation de certaines techniques jugées particulièrement cruelles pour les animaux, comme la chasse à courre ou la vénerie sous terre, qui consiste à faire chasser le gibier par des chiens après l’avoir localisé dans des terriers.
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Tradition séculaire d’un côté, menace pour le vivant et les humains de l’autre, la chasse est aujourd’hui entre deux feux en France. Le résultat de la liste Alliance rurale au printemps 2024 sera un indicateur de l’état de l’opinion sur le sujet !