Élections en Inde : un troisième mandat pour Narendra Modi, le leader du nouveau géant d'Asie ?
La plus grande démocratie au monde est allée voter ce vendredi 19 avril 2024. Pas moins de 980 millions d'électeurs indiens étaient attendus dans les bureaux de vote.
L'issue du scrutin ne fait guère de doute pour les observateurs : au pouvoir depuis 2014, le Premier ministre, Narendra Modi, devrait remporter un troisième mandat consécutif.
« Il a beaucoup développé le pays. C'est pour ça que les Indiens l'adorent », indique Vinod Kumar, un habitant de Delhi, cité par 'Slate'.
Sous la houlette de Modi, le géant du sud de l’Asie est passé de la huitième à la cinquième place dans le classement des économies mondiales, devant l’ancien colonisateur britannique.
L'Inde s'affirme désormais comme l'un des moteurs de l'économie mondiale. Selon 'The Indian Express', l'objectif de croissance du PIB est de 7 % pour l'année 2025.
Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) estime que 415 millions d'Indiens (sur une population d'environ 1,4 milliard) sont sortis de la pauvreté ces 15 dernières années.
Modi « a multiplié les gestes directement perceptibles par la population, comme la distribution gratuite de produits alimentaires, de bouteilles de gaz domestique, le raccordement au réseau électrique, l'assainissement de l'eau », analyse Jean-Joseph Boillot, un spécialiste de l'économie indienne, cité par 'Slate'.
Malgré ce bond en avant économique, le revenu moyen par habitant reste faible en Inde. Selon l’économiste Gérard-François Dumont, cité par ‘BFMTV’, le pays devrait rester « durablement une économie à bas coûts ».
Par conséquent, les inégalités sont toujours très prononcées dans le pays : selon un rapport du World Inequality Lab, paru en mars 2024, les 1 % d'Indiens les plus riches concentraient 40 % du patrimoine et 22,6 % des revenus du pays fin 2023. Du jamais vu depuis plusieurs décennies !
Autre point noir : l'utilisation de l'appareil d'État par Narendra Modi pour tenter de museler l'opposition. Arvind Kejriwal, le ministre en chef de Delhi, a par exemple été arrêté le 21 mars dernier.
« Plusieurs adversaires de Narendra Modi estiment que le gouvernement fédéral de Delhi instrumentalise les agences gouvernementales pour cibler les opposants politiques », soulignent 'Les Échos'.
Par ailleurs, de nombreux observateurs ont souligné la répression de la minorité musulmane en Inde (14% de la population), qui a pratiquement disparu du paysage politique.
Conséquence logique de ces développements : l'Inde a reculé de la 27ᵉ à la 41ᵉ place dans le monde en matière de démocratie, comme le note 'The Economist'.
Quoi qu'il en soit, le poids démographique et le dynamisme économique soutenu de l’Inde en ont fait un acteur géopolitique majeur ces dernières années.
Lors du sommet du G20 de 2023, tenu sous la présidence indienne, Narendra Modi a affirmé vouloir rééquilibrer les relations internationales en faveur des pays du sud. Sous leadership indien ?
Le pays est par ailleurs un membre important du groupe des BRICS, qui compte aussi la Chine, la Russie, le Brésil et l’Afrique du Sud. Un groupe revitalisé cette année par un sommet en Afrique du Sud et par l’adhésion de plusieurs nouveaux États.
Entre un isolement croissant lié à sa position agressive à l’égard de Taïwan et des problèmes économiques persistants, la Chine est actuellement en grande difficulté. La place de leader de l’Asie et des pays émergents est donc à prendre pour l’Inde, qui a récemment dépassé son rival comme première puissance démographique mondiale.
New Delhi se pose d’ailleurs intelligemment comme médiateur entre les grands blocs, étant à la fois une démocratie parlementaire à l’occidentale et un pays asiatique émergent.
La guerre en Ukraine a d’ailleurs renforcé cette position : l’Inde a condamné l’invasion du pays mais n’a pas renoncé au commerce d’armes et de matières premières avec la Russie.
La montée en puissance de l’Inde tient justement à sa capacité à jouer sur deux tableaux sans se brouiller avec personne. Comme le rappelle ‘RFI’, « elle est le seul pays à la fois membre de l'organisation de coopération de Shanghai, chapeautée par Moscou et Pékin, et du QUAD, l'initiative conduite par les États-Unis avec le Japon et l'Australie pour contrebalancer l'influence de la Chine dans l'Asie-Pacifique. »
Symbole de la puissance indienne retrouvée, un changement de nom du pays est envisagé par les autorités : en ouverture du G20 de 2023, le Premier ministre a prononcé son discours derrière une plaque au nom du « Bharat » (et non « India »).
Narendra Modi avait rappelé que le terme « India » avait été imposé par les Britanniques à l’époque coloniale. D’origine plus ancienne, le nom « Bharat » figure déjà dans la constitution du pays.
Entre ses succès économiques et sa montée en puissance au niveau international, l'Inde ne cache plus ses grandes ambitions. Le probable troisième mandat de Narendra Modi sera-t-il celui de la consécration pour la puissance indienne ?