La santé des chefs d’États et de gouvernements : un enjeu politique ?
Un mois après sa nomination, le Premier ministre français Gabriel Attal présente déjà des signes d’usure physique (cernes, cheveux blancs), malgré son jeune âge. Ses débuts difficiles, marqués notamment par la crise des agriculteurs, semblent avoir un impact immédiat.
Avant lui, François Fillon, Premier ministre de Nicolas Sarkozy de 2007 à 2012, « avait pris des cheveux blancs, des cernes et s’était un peu enrobé », comme le note sa biographe Véronique Jacquier, citée par ‘Gala’.
Plus tôt dans l’histoire de la Cinquième République, d’autres chefs du gouvernement avaient souffert physiquement dans l’exercice de leurs fonctions : Michel Rocard avait même dû être hospitalisé au milieu d’un conseil des ministres en 1988.
« Raymond Barre fera de l’hypertension, Jean-Pierre Raffarin souffrira de la vésicule biliaire, et Édith Cresson frôlera le burn-out », relève ‘Gala’ à propos de ce qu’il est convenu d’appeler « l’enfer de Matignon ».
Y a-t-il une recette pour se préserver de l’usure physique et des soucis de santé lorsqu’on occupe les plus hautes responsabilités ? Le fameux remède de Winston Churchill, « C i g a r s, w h i s k y and… no sport » n’est guère recommandé.
La santé physique est pourtant fondamentale dans l’exercice du pouvoir. ‘Gala’ cite les solutions trouvées par plusieurs Premiers ministres français : « Tennis pour Lionel Jospin, course à pied pour Élisabeth Borne, boxe pour Édouard Philippe, randonnées pour François Fillon… ».
Néanmoins, le sujet a longtemps été tabou, poussant certains chefs d’État à dissimuler leur état de santé réel à leurs concitoyens, à l’image de Jacques Chirac, victime d’un accident vasculaire cérébral durant son second mandat à l’Élysée.
Les Français avaient aussi été surpris d’apprendre en 1992 que François Mitterrand, alors président de la République, souffrait d’un cancer depuis des années. Sans oublier le décès foudroyant de Georges Pompidou, en 1974, atteint lui aussi d’un cancer.
Ces pratiques seraient-elles toujours possibles aujourd’hui ? Pas certain, selon ‘France Culture’, qui rappelle que les « mensonges sur la santé sont devenus moins faciles, avec l'omniprésence des images, l'abondance des commentaires ».
Le sujet est cependant grave, car « la santé peut affecter les prises de décision de ceux qui nous gouvernent et même renverser l’équilibre mondial », comme le souligne Sergio Albarello, ancien médecin chef de la présidence de la République française, cité par ‘Le Parisien’.
Il s’agit d’ailleurs d’un facteur qui perturbe la campagne présidentielle américaine de 2024, notamment depuis qu’un procureur a mis en doute les facultés cognitives du président sortant démocrate, Joe Biden, candidat à sa réélection.
Son très probable challenger, l’ancien président républicain Donald Trump, a, de son côté, été hospitalisé en 2020, lorsqu’il était encore à la Maison-Blanche, après avoir contracté le Covid-19.
Joe Biden a, lui aussi, subi une hospitalisation dans l’exercice de ses fonctions. L’âge avancé des deux candidats (81 ans pour Biden et 78 ans pour Trump le jour de l’élection, en novembre) accroît les risques sanitaires, ce qui a un impact sur le déroulement de la campagne.
La monarchie britannique n’est pas non plus épargnée : le roi Charles III a été hospitalisé, fin janvier 2024, à cause d’un cancer. Cela a d’emblée conduit à poser la question de sa succession, moins d’un an après son couronnement.
Dans les mois qui ont suivi l’invasion de l’Ukraine, en 2022, les spéculations sont allées bon train sur l’état physique de Vladimir Poutine, sans que le secret bien gardé de sa santé n’ait été trahi.
« Cancer de la thyroïde, maladie de Parkinson, troubles paranoïaques… » : ‘Le Parisien’ a énuméré toutes les pathologies attribuées, à tort ou à raison, au président russe, dont certains ont même pensé que les jours étaient comptés.
Son prédécesseur, Boris Eltsine, avait eu de graves problèmes de santé lorsqu’il était au Kremlin. En 1996, il avait même dû subir un quintuple pontage coronarien.
Au Venezuela, le président Hugo Chávez est décédé en 2013 d’un cancer dont la nature n’a pas été dévoilée, mais qui avait nécessité plusieurs opérations alors qu’il était au pouvoir.
Un autre cas emblématique : Ariel Sharon, Premier ministre israélien de 2001 à 2006. Victime d’une attaque cérébrale alors qu’il briguait un nouveau mandat, il a été plongé dans un coma artificiel et démis de ses fonctions, avant de décéder en 2014 après huit années de coma.
Plus récemment, la pandémie de Covid-19 n’a pas épargné les dirigeants politiques, conduisant Donald Trump, mais aussi l’ancien Premier ministre britannique Boris Johnson, à être hospitalisés.
Au-delà de la santé physique, le bien-être psychique peut aussi être en jeu. En janvier 2023, la Première ministre néo-zélandaise, Jacinda Ardern, a annoncé sa démission. Assumant publiquement ne plus avoir l’énergie nécessaire pour la fonction, elle a brisé un tabou ancien.
Comme le rappelle ‘France Culture’, la santé des chefs d’États pose deux questions cruciales : « D'abord, la permanence du pouvoir : est-il toujours aux commandes ? Mais aussi la pertinence : est-il en état de bien l'exercer, ce pouvoir ? » Un sujet d’une actualité brûlante !