Poutine pourrait-il utiliser des armes nucléaires en Ukraine ?
Les chefs du renseignement américain ont déjà averti en mai dernier le Sénat que Vladimir Poutine pourrait utiliser l'arme nucléaire en dernier recours s'il estime que la Russie risque d'être vaincue en Ukraine.
Désormais, alors que les contre-offensives s'intensifient côté ukrainien, Poutine pourrait se sentir acculé. Après la mobilisation de 300 000 conscrits russes, pourrait-il décider d'aller encore plus loin ? Lors de son allocution du 21 septembre, c'est bien ce qu'il a laissé entendre.
Selon Robert Baer, ancien agent de la CIA et analyste pour CNN, les risques sont réels : "Plus il s'enfonce dans les difficultés, plus il est susceptible d'utiliser des armes nucléaires. Je ne serais pas surpris qu'il les utilise contre l'Ukraine", précise-t-il.
Photo : CNN
La chef du renseignement américain, Avril Haines, avait déclaré il y a quelques mois au Sénat que Poutine pourrait considérer la défaite en Ukraine comme "une menace existentielle pour son régime", comme l'a rapporté la BBC.
Lors d'un briefing au Sénat, les chefs du renseignement américain ont prédit que la guerre en Ukraine serait "une longue et épuisante guerre d'usure".
Les chefs du renseignement américain pensent que les actions de Poutine dans le pays pourraient s'intensifier, et si Poutine estime que la guerre ne tourne pas en sa faveur et que sa position à Moscou est menacée, il pourrait décider d'utiliser une ogive nucléaire.
Avril Haines a informé la commission sénatoriale des forces armées que Poutine continuerait très probablement à menacer d'utiliser des armes nucléaires pour minimiser l'implication des États-Unis et de l'OTAN dans la guerre et diminuer le soutien de l'Ukraine.
Haines pense que Poutine n'utilisera pas d'armes nucléaires à moins qu'il ne voie une menace existentielle pour la Russie ou son régime.
« Nous pensons que [Poutine pourrait percevoir une menace existentielle] au moment où il croit qu'il est en train de perdre la guerre en Ukraine, et où il pense que l'OTAN est en fait en train d'intervenir ou sur le point d'intervenir dans ce contexte, ce qui contribuerait évidemment à lui laisser entendre qu'il va perdre la guerre en Ukraine », a déclaré Haines lors de l'audience du comité.
Avril Haines a poursuivi en ajoutant qu'elle pense que si Poutine décide d'utiliser une ogive nucléaire, le monde recevra très probablement un avertissement. Faut-il prendre son discours du 21 septembre comme tel ?
"Il y a beaucoup de choses qu'il ferait dans le contexte d'une escalade avant d'en arriver aux armes nucléaires ; il déclencherait aussi vraisemblablement certains signaux au préalable, autres que ceux qu'il a lancés jusqu'à présent", a informé Haines au Sénat.
Parmi les signes indiquant que Poutine envisage réellement d'utiliser une ogive nucléaire, on pourrait citer un nouvel exercice nucléaire à grande échelle impliquant une dispersion importante de missiles intercontinentaux mobiles, de bombardiers lourds et de sous-marins stratégiques.
Kherson, au nord de la Crimée, présente également un intérêt tactique pour Poutine car il contrôlerait alors l'approvisionnement en eau de la péninsule. Toutefois, Kiyv a ces dernières semaines repris pas mal de terrain dans cette zone, et il est peu probable que Poutine parvienne à mettre la main sur la région.
Haines a déclaré par ailleurs que Poutine avait travaillé sur des plans plus ambitieux pour s'emparer de toute la côte ukrainienne de la mer Noire.
Pour ce faire, le pont terrestre russe devrait s'étendre jusqu'en Transnistrie, une région de la Moldavie occupée par Moscou. Haines avait d'ailleurs indiqué que ce serait une opération difficile à moins que l'armée russe ne soit pleinement mobilisée, ce qui est désormais le cas.
Scott Berrier, lieutenant général de l'armée des États-Unis et directeur de la Defense Intelligence Agency, partage l'avis de Haines, lorsqu'elle prédit une situation d'impasse. Cependant, il pense que les choses pourraient changer rapidement avec la mobilisation de conscrits, car des milliers de soldats supplémentaires participeront alors au combat.
Berrier a poursuivi en disant que ce qui manque à l'armée russe en matière d'entraînement sera compensé par les munitions, la puissance et les soldats : "Et même s'ils ne sont peut-être pas aussi bien entraînés et compétents, ils apporteront quand même de la masse et beaucoup plus de munitions."
Pour Haines, Poutine croit que bientôt l'Occident atténuera ses sanctions. "Il compte probablement sur le fait que la détermination des États-Unis et de l'Union européenne s'affaiblira à mesure que les pénuries alimentaires, l'inflation et les prix de l'énergie s'aggraveront", a-t-elle déclaré.
Les agences de renseignement américaines, selon Haines, n'ont pas beaucoup d'espoir de négociations avec Poutine. Cependant, elles sont convaincues que le conflit prendra "une trajectoire plus imprévisible et vivra potentiellement une escalade".
Néanmoins, Haines a déclaré que les choses empireraient probablement : "La tendance actuelle augmente la probabilité que le président Poutine se tourne vers des moyens plus drastiques, y compris l'imposition de la loi martiale, la réorientation de la production industrielle ou des actions militaires potentiellement croissantes pour libérer les ressources nécessaires pour atteindre ses objectifs alors que le conflit s'éternise, ou s'il perçoit que la Russie est en train de perdre en Ukraine."