L’île danoise de Bornholm, dans la mer Baltique : un carrefour géostratégique désormais sous "haute tension"
Avez-vous déjà entendu parler de l’île de Bornholm ? Situé dans la mer Baltique, ce territoire qui appartient au Danemark a une importance stratégique méconnue.
Localisé entre la Suède, l’Allemagne et la Pologne, à 137 kilomètres à l’est des côtes danoises les plus proches, Bornholm se trouve au cœur de la Baltique.
L’île mesure 589 kilomètres carrés et compte environ 40 000 habitants, selon l’institut Statistics Danemark. L’archipel des Ertholmene, également danois, se trouve à moins de 20 kilomètres au nord.
Même si le coût de la vie y est très élevé, Bornholm fait partie des îles touristiques de la mer Baltique. Des liaisons maritimes la relient à la partie continentale du Danemark, mais aussi aux trois autres pays voisins.
Le nom de Bornholm viendrait du peuple germanique des Burgondes qui en serait originaire avant de migrer vers le continent et de donner leur nom à la région française de Bourgogne.
La présence des peuples scandinaves à Bornholm remonte au Moyen Âge. L’île a été christianisée au XIe siècle et elle a fait partie des premiers États danois unifiés du fait de son rattachement à la Scanie, une province alors sous contrôle du Danemark.
Les Suédois et les Danois ont longtemps lutté pour obtenir la mainmise sur l’île, dont une partie a été transférée à l’archevêché suédois de Lund au XIIe siècle.
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Sous l’influence économique de la Hanse, la ligue des ports de la mer Baltique, Bornholm est donnée en gage à la ville hanséatique allemande de Lübeck en 1525, afin de compenser des dettes contractées par la couronne danoise.
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Conquise et occupée à plusieurs reprises au XVIIe siècle, l’île est finalement réintégrée au Danemark en 1658, après une révolte contre les Suédois. La Suède renonce définitivement à la souveraineté sur ce territoire qui ne cessera plus jamais d’être danois.
En avril 1940, Bornholm est envahi et occupé par l’Allemagne nazie, à la suite de l’invasion du Danemark décidée en violation du Traité de non-agression germano-danois.
Pendant la suite de la guerre, l’occupant utilise l’île comme poste d’écoute des communications de la marine des Alliés. Ses ports servent de base pour les navires allemands qui patrouillent dans l’ouest de la Baltique, empêchant l’incursion de la marine britannique.
Alors que les Alliés défont les troupes du Reich au Danemark, l’Armée rouge tente de prendre Bornholm. Face au refus des Allemands de se rendre, l’île est soumise à un intense bombardement soviétique en mai 1945.
Durant l’année 1945, les Soviétiques continuent d’occuper l’île qu’ils considèrent comme un emplacement stratégique pour surveiller la Pologne et le nord de l’Allemagne. Ils espèrent pouvoir influencer la politique étrangère du Danemark, où les communistes sont alors puissants.
Mais Copenhague obtient leur retrait l’année suivante, à la condition (non respectée) que Bornholm ne fasse pas directement partie de la zone d’influence occidentale.
En effet, le Danemark adhère à l’OTAN en 1949, après la crise de Pâques de 1948 durant laquelle le pays a craint une invasion de l’URSS. L’ancien avant-poste allemand puis soviétique en Baltique occidentale fait donc désormais partie intégrante du bloc de l’Ouest.
Comme le souligne la revue ‘diploweb’, la position géostratégique de Bornholm constitue un atout pour l’OTAN. Des activités d’écoute y sont déployées pendant la Guerre froide, permettant de surveiller le bloc de l’Est jusqu’aux Carpates.
Cette surveillance est opérée depuis la station de Dueodde à partir de 1960. De 1986 à 2012, la station est composée d’une tour de 70 mètres de haut, devenue depuis un musée : The Bornholm Tower.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 et les menaces répétées de Moscou à l’égard de ses voisins finlandais et baltes ont redonné toute son importance géostratégique à la mer Baltique, et ainsi à la position avancée de l’OTAN à Bornholm.
Cette île est un point d’autant plus crucial sur l’échiquier nord-européen qu’environ 60 000 navires la longent chaque année, selon ‘diploweb’.
En juin 2022, un navire de guerre russe a fait irruption à deux reprises dans les eaux danoises, ce que le ministre de la Défense du pays, Morten Bødskov (sur la photo), a qualifié de « provocation grossière et délibérée de la part de la Russie », comme le rappelle la revue de géopolitique.
Un exercice militaire de l’OTAN, planifié avant l’invasion de l’Ukraine, a eu lieu en mai 2022. Un système de missiles à longue portée, pouvant par exemple atteindre l’exclave russe de Kaliningrad, a été testé à cette occasion.
Territoire souvent disputé au carrefour de plusieurs puissances, Bornholm est plus que jamais un lieu stratégique dans la mer Baltique, que Morten Bødskov avait décrite en 2022 comme une « zone à haute tension ».
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