L’orpaillage illégal : un fléau en Guyane française et dans la région amazonienne
Le gendarme Arnaud Blanc a été tué par balles le 25 mars 2023, en Guyane française, dans le cadre d’une opération de lutte contre l’orpaillage, l’extraction illégale d’or. Cette affaire est venue rappeler la présence constante de ce fléau dans le vaste département d’outre-mer.
À la suite de ce meurtre, plusieurs suspects, dont le tireur présumé, ont été interpellés au mois d’avril. Mais selon le commandant de la gendarmerie de Guyane, les opérations ne sont pas terminées car d’autres suspects sont encore recherchés.
Mais au-delà de son caractère tragique, la mort d’Arnaud Blanc a attiré une nouvelle fois l’attention médiatique sur la lutte contre l’orpaillage illégal, qui bénéficie de moyens renforcés depuis 2008. Un combat mené de longue date par l’État face à un phénomène ancien, mais très difficile à endiguer.
Le plateau des Guyanes abrite un gisement aurifère réputé pour son mythe de l’Eldorado. Et l’extraction informelle ou illégale est majoritaire dans cette région du monde qui subit une véritable ruée vers l’or depuis quelques années : l’association pour l’environnement WWF estime entre 7 et 10 tonnes la quantité d’or exfiltrée illégalement de Guyane chaque année.
En plus de sa nature criminelle, l’orpaillage illégal est un fléau en Guyane du fait de ses répercussions environnementales, économiques et humaines. Un zoom en images sur une activité très répandue sur le continent sud-américain.
Selon les données de l’Observatoire de l’activité minière citées par ‘LCI’, la Guyane française compterait 500 sites d’extraction clandestins en activité à l’heure actuelle.
150 d’entre eux seraient situés dans le Parc national amazonien, un territoire en principe sanctuarisé par les pouvoirs publics afin de préserver la forêt et la biodiversité. Un désastre écologique !
Il est vrai que l’orpaillage est stimulé par le cours élevé de l’or. Comme l’a déclaré en séance la sénatrice de Guyane Marie-Laure Phinéra Horth : « Le cours de l’or ne cesse de s’envoler, rendant les sous-sols de la Guyane plus attractifs que jamais. »
Selon les estimations de la gendarmerie de Guyane qui ont été reprises dans un rapport parlementaire, le territoire compterait 8 600 orpailleurs illégaux. La majorité d’entre eux viendrait du Brésil.
Malgré un engagement constant, la lutte contre l’orpaillage clandestin s’avère être peu efficace. Les trafiquants agissent à cheval entre la Guyane et les États voisins du Brésil et du Suriname, ce qui leur permet de changer rapidement de pays et d’échapper aux tentatives d’arrestation.
La spécificité du territoire guyanais complique également la lutte contre l’orpaillage, entre la très grande taille du territoire et le fait qu’il est recouvert « à 95% d’une forêt dense, une partie de la forêt amazonienne, qui rend les opérations de maintien de l’ordre et d’éradication du fléau de l’orpaillage illégal complexes », selon le rapport parlementaire cité par ‘LCI’.
Par ailleurs, les orpailleurs sont prévenus à l’avance par les « sonnettes », des guetteurs, de l’arrivée des militaires en opération. Le fléau semble donc encore loin d’être éradiqué.
Et pourtant, le moins que l’on puisse dire est que les orpailleurs ne sont pas appréciés par les populations locales. Comme l’indique un jeune de la région, cité par ‘France Info’ et resté anonyme par crainte de représailles : « On leur en veut beaucoup. Ils peuvent nous revoir et nous tabasser, ou nous buter. C'est de ça qu'on a peur en ce moment, ici ».
L’extraction illégale de l’or conduit au développement de réseaux criminels dont les activités dépassent largement l’extraction : immigration clandestine, prostitution, trafics d’armes et de stupéfiants. Tout cela produit un niveau de violence élevé et un climat tendu dans la région.
WWF rappelle que l’orpaillage détruit les principaux secteurs d’activité économique des territoires concernés : « l’écotourisme subit la destruction de paysages remarquables, la filière forestière pâtit de la perte de capital sur pied, la filière minière déclarée assiste au pillage de la ressource aurifère, sans compter le coût de la répression pour l’État français ».
Nuisance humaine, l’orpaillage est également une catastrophe environnementale. Toujours selon WWF, 215 000 hectares de forêts ont été détruits dans la région pour les besoins de cette activité entre 1988 et 2018, dont 28 000 en Guyane française. La république coopérative du Guyana (proche du Vénézuéla) et le Suriname concentrent l’essentiel des destructions restantes.
Un autre impact environnemental de l’orpaillage est l’usage massif du mercure pour séparer l’or du minerai : 1,3 kilos utilisés en moyenne pour extraire un kilo du métal noble. Or, le mercure est un polluant qui s’accumule dans les milieux naturels et se concentre particulièrement dans la chair des poissons. Il contamine ainsi les populations qui se nourrissent de ces poissons au quotidien.
Que faire pour endiguer l’orpaillage, une activité nocive à tous points de vue, alors que la lutte organisée par l’État ne semble guère porter ses fruits ? À la suite de l’hommage à Arnaud Blanc, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a rappelé le renforcement récent des moyens policiers et annoncé le déploiement supplémentaire de forces militaires. Souhaitons pour les Guyanais et pour l’environnement que cette pratique reflue dans les prochaines années !