Natalité et environnement : le changement climatique affecte-t-il votre souhait d'avoir des enfants ?
Doit-on mettre la cigogne au chômage à cause du changement climatique ? En effet, les émissions carbones émises par l'homme dans notre système consumériste nous mènent, selon certains, droit à la catastrophe. Le débat est donc ouvert : avoir ou ne pas avoir d'enfants pour sauver la planète ?
À partir de l'analyse d'enquêtes menées dans le monde entier, il ressort de 12 études sur 13 que le désir de réduire le nombre d'enfants est associé à une plus grande inquiétude à l'égard du changement climatique. En novembre 2023, des chercheurs de l'University College London ont publié la première grande étude sur le sujet.
Photo : The Leftovers Intro/HBO
Une analyse de Morgan Stanley a révélé que cette tendance "se développe et a un impact sur les taux de fécondité plus rapidement que toute autre tendance à la baisse de la fécondité antérieure." Il fait ici référence à une enquête menée en 2018 par le quotidien américain "The New York Times" sur la question, dans laquelle 33 % des adultes sans enfants interrogés ont déclaré que leur choix était motivé par des préoccupations liées au changement climatique.
Plusieurs groupes d'activistes se consacrent à dissuader les gens d'avoir des enfants du fait du changement climatique. Au Royaume-Uni, le mouvement "BirthStrike" s'adresse aux personnes qui craignent d'avoir des enfants en raison de la crise environnementale. Aux États-Unis, on trouve "Conceivable Future". Au Canada, citons le mouvement climatique "No Future, No Children" (pas d'avenir, pas d'enfants). Découvrez en lisant la suite quelques-uns des arguments de ces mouvements.
Choisir de ne pas avoir d'enfants pourrait permettre d'économiser 60 tonnes de CO2 par an, selon une publication de scientifiques de de l'université d'État de l'Oregon. Selon eux, chaque enfant né aux États-Unis représente des milliers de tonnes de CO2, soit bien plus que la possession d'une voiture ou l'utilisation d'un avion. Se passer de voiture permet d'économiser environ 2,4 tonnes d'émissions, et ne pas prendre un vol transatlantique 1,6 tonne.
S'infiltrant dans tous les aspects de la vie, et de plus en plus dans le domaine de la procréation, l'anxiété liée au climat est un phénomène bien réel. Et c'est logique, étant donné les messages alarmistes émis par d'éminents climatologues affirmant que si nous n'agissons pas maintenant pour enrayer le changement climatique, l'avenir pourrait être catastrophique.
Photo : Climateworrier3/Twitter
Au-delà du CO2, ces préoccupations s'étendent à l'impact sur la biodiversité et la pollution. L'étude de l'University College London a révélé que ce n'est pas la surpopulation qui inquiète les gens. Au contraire, ceux qui choisissent de ne pas avoir d'enfants ou d'en avoir moins à cause de l'environnement sont davantage préoccupés par l'impact des individus au sein d'un système matérialiste et capitaliste.
Une étude révèle que le végétalisme pourrait nous sauver d'une catastrophe climatique
De nombreuses personnes sont attristées à l'idée que les générations futures ne pourront plus profiter de certains loisirs liés à la nature, comme le ski, tandis que d'autres ne veulent tout simplement pas avoir à élever un enfant dans un monde postapocalyptique ou sur une planète inhabitable. Selon l'étude de l'University College London, de nombreuses personnes qui ont choisi de ne pas avoir d'enfants utilisent des termes tels que "sombre" et "condamné" pour décrire l'avenir.
Photo : Le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC)
Nombreux sont ceux qui pensent qu'il est plus facile de maintenir en vie et de faire prospérer les petites familles lorsque les besoins de subsistance sont difficiles à satisfaire. Dans deux études menées en Afrique, les personnes interrogées ont déclaré que le changement climatique affectait déjà la capacité de leur famille à subsister en cas de sécheresse ou d'autres problèmes environnementaux. Cependant, une autre étude a également montré que le changement climatique pourrait inciter les gens à désirer plus d'enfants pour contribuer à la recherche de ressources.
La reproduction est considérée comme un outil politique permettant aux jeunes de faire pression sur les entreprises. Le mouvement "No future, no children", par exemple, n'a rien à voir avec le désir de ne pas avoir d'enfants. "Même si je veux avoir des enfants plus que tout, je m'engage à ne pas en avoir tant que le gouvernement ne prendra pas la crise climatique au sérieux", a déclaré Emma Lim, une jeune femme de 18 ans, au Parlement canadien en 2018.
L'éco-influenceuse "plantawhisperer" affirme sur TikTok que non seulement cette idée va à l'encontre de l'autonomie reproductive, mais que les arguments relatifs à la taille de la population ont été démentis et sont enracinés dans l'eugénisme. "On dirait que vous voulez littéralement débarrasser la planète des humains", a-t-elle déclaré. Certains membres de la communauté écologique estiment que l'idée qu'il serait "égoïste" d'avoir des enfants dans le contexte du changement climatique est une voie qui peut mener à l'écofascisme.
Photo : plantawhisperer/TikTok
Un rapport de l'Oxfam (confédération d'une vingtaine d'organisations caritatives indépendantes à travers le monde) indique que le décile le plus riche de l'humanité contribue à 49 % des émissions, tandis que les 50 % les plus pauvres ne sont responsables que de 10 %. Certains défenseurs du climat suggèrent que le vrai problème n'est pas l'humanité en général, mais les 10 % les plus riches. Une étude ultérieure a révélé que les milliardaires les plus riches produisent en moyenne plus d'un million de fois plus d'émissions qu'une personne appartenant aux 10 % les plus pauvres.
Infographie : Oxfam, Inégalités climatiques extrêmes
Une étude publiée dans la revue scientifique "Nature" suggère que, depuis plus de 8 000 ans, les habitants de la forêt amazonienne la cultivent pour la rendre plus productive et plus riche en biodiversité. En effet, si les sociétés capitalistes n'ont pas un bon bilan en matière de protection de la planète, l'humanité a montré depuis des centaines de milliers d'années qu'elle pouvait vivre en harmonie avec la nature.
Alors qu'un Américain né en 1950 affichait une empreinte annuelle moyenne de 19,2 tonnes, selon le journal américain "The Washington Post", un enfant d'aujourd'hui produit 10 tonnes. D'autres chercheurs estiment que l'empreinte carbone d'un enfant né aujourd'hui dépend fortement de la transition verte. Si les Etats-Unis atteignent leurs objectifs écologiques, l'enfant moyen aura une empreinte carbone de 2,8 tonnes... En d'autres termes, il s'agit d'un problème politique, pas d'un problème de population.
Le chroniqueur Ezra Klein a écrit, dans le "New York Times" : "Les meilleures estimations dont nous disposons suggèrent qu'au cours de la majeure partie de l'histoire de l'humanité, 27 % des nourrissons n'ont pas survécu à leur première année et 47 % des personnes sont mortes avant la puberté. Et la vie était dure, même si vous aviez la chance de la vivre... Aucun modèle climatique dominant ne suggère un retour à un monde aussi mauvais que celui de 1950, sans parler de celui de 1150". Il s'agit là d'un autre argument opposé à la grève de la reproduction, qui met en évidence le fait que les générations futures ne sont pas condamnées.
Et si les parents de Greta Thunberg avaient décidé qu'avoir un enfant était mauvais pour le monde ? En effet, si vous les éduquez correctement, ils peuvent changer le monde, que ce soit par l'activisme, la politique ou les inventions technologiques. C'est un autre argument de poids contre les politiques de réduction des naissances : les enfants ne sont pas de simples consommateurs passifs nés pour engloutir des ressources. Ils pourraient bien changer le monde !