Quand les banlieues s’embrasent : retour sur quatre décennies d’émeutes urbaines en France
Le jeune Nahel Merzouk, âgé de 17 ans, a trouvé la mort en juin 2023 dans le cadre d’une confrontation avec la police. L’affaire a provoqué une onde de choc et déclenché des émeutes urbaines dans toute la France.
Si les événements de cette année ont une ampleur inattendue, ce n’est pas la première fois qu’un fait divers ou qu’une affaire judiciaire sont suivis d’un embrasement des banlieues françaises.
En réalité, de telles émeutes ont lieu à intervalles réguliers depuis plusieurs décennies. Retour en images sur un phénomène qui rythme l’actualité de la France contemporaine.
Le déclenchement de ces soulèvements urbains est indissociable de la construction des « grands ensembles » dans les années 1960 et 1970. Appelés « cités » aujourd’hui, ces gigantesques immeubles sont devenus avec le temps un symbole de relégation sociale.
La toute première émeute urbaine française a eu lieu dès 1979 dans le quartier de La Grappinière, à Vaulx-en-Velin, une commune modeste de la banlieue de Lyon.
Des habitants de ce quartier, notamment les plus jeunes, avaient souhaité protester contre ce qu’ils considéraient comme un harcèlement policier visant particulièrement les populations d’origine maghrébine.
Deux ans plus tard, de violentes émeutes éclatent de nouveau dans l’agglomération lyonnaise, d’abord dans le quartier des Minguettes, à Vénissieux, puis à Villeurbanne et à Vaulx-en-Velin.
Un événement marquant puisqu’il s’agit des premières émeutes retransmises en direct au journal télévisé de 20 heures. Plus généralement, l’épisode des Minguettes attire l’attention de l’opinion sur le malaise des banlieues françaises.
En 1990, la mort accidentelle d’un jeune habitant de Vaulx-en-Velin entraîne des affrontements entre une partie de la population et la police. Des incendies éclatent et un centre commercial est pillé.
Les violences s’étendent à d’autres communes de la banlieue de Lyon. Retransmises pendant trois jours à la télévision, elles sont qualifiées d’« intifada des banlieues » par certains commentateurs.
En 1994, à Val-de-Reuil, près de Rouen, un jeune homme qui faisait partie d’un groupe tentant de voler une voiture est tué accidentellement par les forces de l’ordre. Son décès déclenche de violentes émeutes pendant plusieurs jours.
Les images de ce soulèvement ont d’ailleurs servi au générique du film « La Haine » de Mathieu Kassovitz, l’un des premiers longs-métrages français à traiter de la question des banlieues.
L’année suivante, un jeune homme de 19 ans, Imad Bouhoud, est jeté dans un bassin du port du Havre par un groupe de skinheads d’extrême-droite.
Des incidents éclatent dans la foulée (bar pillé, voitures brûlées) et les jeunes du quartier affrontent la police aux cris de « mort aux skins ».
Les tensions continuent de monter au tournant de l’an 2000 et culminent en 2005, lorsqu’un enfant de 10 ans est tué par balle, en marge d’un affrontement entre deux bandes rivales à La Courneuve. Le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy accroît la présence policière dans les quartiers sensibles.
En fin d’année, la mort par électrocution de deux adolescents qui tentaient de fuir un contrôle de police entraîne des émeutes particulièrement intenses à Clichy-sous-Bois, dans la banlieue de Paris.
L’onde de choc se propage rapidement à l’ensemble de l’agglomération parisienne puis au pays entier, contraignant les pouvoirs publics à instaurer l’état d’urgence accompagné de la mise en place d’un couvre-feu.
Au-delà de leur dimension sécuritaire, les événements de 2005 ont provoqué un séisme dans la classe politique et l’opinion publique. La France prend alors réellement conscience à la fois de la relégation de certains quartiers et de l’ampleur de l’insécurité.
Deux ans plus tard, des violences urbaines ont lieu à Villiers-le-Bel, près de Paris, à la suite de la mort de deux jeunes en moto-cross entrés en collision avec un véhicule de police. Cette fois, des embuscades sont planifiées et des armes à feu utilisées contre les forces de l’ordre.
En 2010, un homme qui avait braqué le casino d’Uriage, près de Grenoble, est abattu par la police. Des émeutes éclatent rapidement et durent plusieurs jours, menées par des habitants de son quartier déterminés à le venger.
L’année 2017 est marquée par l’affaire Théo, un jeune homme présumé victime de maltraitance lors d’un interrogatoire de police à Aulnay-sous-Bois, près de Paris. Après un attroupement à Bobigny, des magasins sont vandalisés, la gare routière détruite et plusieurs commissariats de la région parisienne attaqués.
Lors de la Coupe du monde 2022, plusieurs émeutes s’enchaînent à Fréjus, sur la Côte d’Azur, à la suite des victoires de l’équipe de football du Maroc.
Comme en 2005, les émeutes qui ont suivi la mort du jeune Nahel se sont propagées à la France entière. Passé le moment de surprise et de choc dans l’opinion, la question des banlieues reviendra une nouvelle fois en haut de la pile des dossiers des décideurs politiques.