Réchauffement climatique : les glaciers vont-ils disparaître de la surface du globe ?
La tragédie qui a frappé récemment la Marmolada (en Italie) n’a fait que confirmer les inquiétudes qui, depuis des années, affligent les chercheurs et les experts en la matière : les glaciers du monde entier sont en danger.
Les températures élevées de juin et juillet ont porté un coup sévère au plus grand glacier d’Italie, mais de nombreux experts estiment que tout ceci est la conséquence d’un phénomène au spectre d’action beaucoup plus large et qui n’est pas près de s’arrêter.
Déjà en 2015, une étude publiée dans la revue scientifique 'Remote Sensing of Environment', réalisée par un groupe de chercheurs du Cnr-Ismar des universités de Gênes et de Trieste, de l’université d'Aberystwyth (Pays de Galles, Royaume-Uni) et de l'ARPA Veneto, nous avertissait : ils ont constaté une augmentation des chutes de pierres et d'éboulements... Et si les Dolomites venaient à disparaître complètement ?
En comparant deux relevés géophysiques, effectués en 2004 et en 2015, les chercheurs ont pu observer le phénomène suivant : le glacier se rétrécissait déjà à un rythme effréné. Les scientifiques avaient ajouté qu’il pourrait être amené à disparaître complètement d'ici 20 à 30 ans.
En réalité, en seulement 10 ans, son volume a été réduit de 30 %, une diminution qui s'est accompagnée d’une perte de 22 % de la surface.
Les chercheurs sont également arrivés à une autre conclusion, tout aussi effrayante : si le même taux de réduction de la décennie analysée était maintenu, le glacier pourrait disparaître complètement d'ici à 2050, laissant place à de petites zones de glace et de neige, favorisant ainsi les avalanches.
Renato Colucci, docteur en glaciologie à l’université de Trieste et chercheur à l’Institut des sciences polaires du CNR a déclaré au journal italien 'Corriere della Sera' : "Le glacier pourrait complètement avoir disparu d'ici à vingt ans."
Les données alarmantes sur le glacier Marmolada ont ensuite été confirmées par une autre étude plus récente, menée en 2021 par l’Université de Padoue : le glacier alpin recule, et ce, à un rythme très rapide. Entre 2020 et 2021, il a perdu plus de 6 mètres.
L’inquiétude concernant l'état des glaciers déclenche la sonnette d'alarme à l'échelle mondiale. Ces derniers sont responsables de près d’un quart de la fonte des glaces entre 1994 et 2017. Pourtant, ils ne peuvent stocker qu' 1 % du volume total !
Un chiffre astronomique, surtout si l’on considère également que le taux de perte de glace de la Terre a presque doublé au cours des trois décennies analysées, passant de 0,8 trillion de tonnes par an dans les années 1990 à 1,3 trillion de tonnes par an en 2017.
Selon des chercheurs de l’Université de Leeds qui ont mené une étude publiée dans la revue scientifique 'The Cryosphere', entre 1994 et 2017, la planète a perdu près de 28 000 milliards de tonnes de glace, soit une surface capable de couvrir une superficie équivalente au Royaume-Uni.
Selon l’étude, 6,1 milliards de tonnes proviennent des glaciers de montagne, 3,8 milliards de tonnes de la calotte glaciaire du Groenland et 2,5 milliards de tonnes de l'Antarctique.
Cette tendance est donc globale et ne se manifeste pas seulement dans les Alpes. En Islande, par exemple, on a constaté une réduction de 7 % des glaciers en 10 ans.
Au cours des 30 dernières années, le grand glacier islandais, qui recouvrait entièrement la zone du volcan bouclier Okjökull, a complètement disparu. La photo ci-dessus date de 2019 ! Il s'est 'effondré' pour laisser sa place à de simples petites plaques de glace. Un scénario, semble-t-il, qui pourrait ne pas être un cas isolé.
On observe également cette tendance dans une étude publiée en 2021, qui s'intitule "Vers une chaîne de montagnes sans glace : la disparition des glaciers pyrénéens entre 2011 et 2020". Elle analyse les mesures effectuées par une équipe de chercheurs sur la chaîne des Pyrénées, qui abritent les plus grands glaciers du sud de l’Europe.
Les chercheurs de l’IPE-CSIC, responsables de l’étude menée sur la chaîne de montagnes franco-espagnole, désignent le réchauffement climatique comme responsable de la réduction de la glace. Ils enregistrent pendant leur étude une hausse des températures de 1,5 °C dans les Pyrénées.
Selon l’équipe de chercheurs, cette augmentation de la température a entraîné une réduction significative de la surface (23,2 %) et de l’épaisseur de la glace (en moyenne 6,3 m) sur 17 des 24 glaciers de la chaîne de montagne entre 2011 et 2020.
L’un des auteurs de l’étude, Jesús Revuelto, est péremptoire : "Ce que nous voyons ici est un signe avant-coureur de ce qui se passera dans d’autres montagnes, comme les Alpes" et ajoute : "Ces glaciers sont plus volumineux, mais ils ne dureront pas éternellement."
La région de l’Everest, en revanche, est depuis longtemps affectée par un autre phénomène, imputable à la fonte des glaciers : l’augmentation des lacs glaciaires.
"Il y a dix ans, ils étaient minuscules, mais maintenant ils ont commencé à former de plus grands lacs. Plus précisément, sur le côté gauche de la partie inférieure du glacier, il y en a sept ou huit qui commencent à former une longue chaîne", a déclaré Ann Rowan, chercheuse depuis 15 ans sur le glacier Khumbu, dans le nord-est du Népal.
Au début, il s’agissait de petits bassins isolés de glace fondue à la surface du glacier, qui se sont ensuite agrandis pour former, finalement, des masses d’eau plus importantes. Si ces lacs débordaient, cela pourrait entraîner des risques d’inondation.
C’est justement une inondation due au détachement d’un sérac glaciaire proche de l’Himalaya qui a englouti les villages qui se trouvaient au pied de la rivière Dhauliganga, dans l'État d'Uttarakhand, au nord de l’Inde, en février 2021, faisant un très grand nombre de victimes.
La fonte des glaces n’est absolument pas un phénomène à prendre à la légère et le Mont Blanc en est la preuve. En particulier, le glacier de Planpincieux, près de la commune de Courmayeur, situé à environ 2 700 mètres.
Planpincieux est défini comme étant un "glacier tempéré", ce qui signifie que les premiers mètres sont sous la surface. Il est situé à une altitude d’environ 2 700 mètres. Les oscillations auxquelles il est soumis peuvent atteindre 150 cm par jour. C’est bien plus que celles du glacier des Grandes Jorasses, situé à 4 000 mètres, qui enregistre des mouvements allant de 2 à 20 cm par jour, comme le rapporte le journal 'Corriere della Sera'. Il est donc surveillé de près par les autorités de la Vallée d’Aoste.
C’est un scénario similaire que l’on retrouve également outre-mer, comme au Canada, et les experts sont unanimes pour tirer la sonnette d’alarme. John Pomeroy, professeur et titulaire de la chaire de recherche du Canada sur l’eau et le changement climatique à l’Université de la Saskatchewan, a déclaré à la chaîne CBS : "Nous avons dépassé le point de basculement pour les glaciers des Rocheuses canadiennes."
Un article publié par une équipe de chercheurs de l’Université du Nord de la Colombie-Britannique a révélé qu’entre 2010 et 2020, le taux de recul moyen des glaciers canadiens était 7 fois plus rapide que celui enregistré au cours des deux décennies précédentes.
Les petits glaciers de l'île de Vancouver, par exemple, diminuent encore plus rapidement : 32 fois plus vite entre 2010 et 2020, comparé à la période 1984 et 2010.
Photo : De paulhami - publié sur Flickr et intitulé 'Comox Glacier on a February Morning', CC BY-SA 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7797640
"Il y a [beaucoup de] raisons pour lesquelles les gens devraient s’inquiéter de l’accélération de la fonte des glaces", a déclaré Alexandre Bevington, étudiant diplômé, à CBC Daybreak North. "Je pense que cela concernera bien plus de gens qu’on ne le croit, et ce, à différents niveaux."
La situation de la glace au Groenland est également préoccupante, principale victime des conséquences de la hausse des températures. La fonte des glaces a un impact sur l’ensemble de la vie de notre planète, en premier lieu celui de la montée des eaux. Dans les années à venir, Venise ou les Maldives pourraient entièrement disparaître de la surface de la Terre.
Plusieurs études récentes le confirment. L'une d'elle, menée par des chercheurs de l’Université de Leeds et publiée dans "The Cryosphere", a en effet révélé que la fonte des glaces dans cette zone se traduit par une perte de 28 milliards de tonnes de glace chaque année, un phénomène qui a provoqué une élévation de la mer de 0,8 millimètre par an.
Les conséquences de la fonte des glaces, qu’elles soient marines ou terrestres, vont cependant au-delà des risques d’avalanches, d’inondations et de l’élévation du niveau de la mer, même s’il s'agit des premiers effets de ce phénomène. D’autres résultats sont également à prendre en compte.
L’importance des glaciers pour la vie terrestre est également soulignée par les auteurs d’un article publié dans 'Nature' (2019), dans lequel les montagnes sont précisément définies comme les "châteaux d’eau du monde", ou les "usines à eau du monde".
La réponse à cette question est simple. Dans les régions du monde où il n’y a pas d’aquifères, les glaciers ont une fonction très importante : approvisionner 78 pays en eau et permettre à environ 1,9 milliard de personnes d’avoir accès à cette ressource très importante, comme le souligne l’étude.
C’est le cas du fleuve Indus qui est aussi alimenté par les eaux des glaciers de l’Himalaya. Au cours de son trajet de sa source à l’embouchure, cet important réservoir alimente en eau 4 pays (la Chine, l'Inde, l'Afghanistan et le Pakistan), soit un total de 200 millions de personnes.
Si l’on associe également la réduction de la taille des glaciers à l’augmentation de la demande en eau (pour l’industrie et l’agriculture, surtout), on voit bien à quel point la situation est dramatique.
Un autre cas très important à considérer est celui de deux autres fleuves d'Asie centrale, l'Amou Darya et le Syr Darya. Tous deux prennent leur source dans les glaciers et traversent des zones arides avant de se jeter dans la mer d’Aral. Avec la diminution de ces derniers et la forte demande en eau pour l’irrigation agricole, le débit des deux bassins se réduit, à tel point que l’embouchure de la mer d’Aral a aujourd’hui presque disparu.
Ce ne sont là que quelques exemples de la situation des glaciers du monde et des conséquences possibles pour la population humaine (et pas uniquement), mais une chose est sûre : le scénario qui se dessine pour l’avenir de la planète n’est pas très réjouissant.
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