Rendre la Seine baignable d'ici 2025 : un projet vraiment réaliste et écologique ?
La baignade dans la Seine : un cauchemar dans un fleuve extrêmement sale et pollué, ou un rêve en passe d’être réalisé ? Même si les visiteurs de Paris-plage n’ont pas l’habitude de tremper les pieds dans l’eau, la question connaît un regain d’intérêt en ce moment et resurgit dans l'actualité.
En effet, les Jeux Olympiques seront organisés à Paris en 2024, et la ville a fait de la possibilité d’organiser des épreuves sportives dans la Seine un argument en faveur de sa candidature. Chose promise, chose due : le fleuve doit maintenant être assaini d’ici à l’été prochain. Avec pour objectif de rendre la baignade accessible à tous en 2025.
La baignade dans la Seine a reçu le soutien d’un ambassadeur de marque : Arthur Germain, le fils de la maire de Paris Anne Hidalgo (sur la photo), qui a parcouru à la nage les 776 kilomètres que compte le fleuve de sa source jusqu’au Havre (en passant, donc, par la capitale française).
Mais le chantier qui attend les acteurs publics est de taille : « Les bactéries proviennent du fait que des eaux usées non traitées ou mal traitées se retrouvent encore trop souvent dans la Seine ou ses affluents. », a indiqué Pierre Rabadan, l’adjoint à la maire de Paris chargé du dossier, cité par ‘Reporterre’.
Selon les élus, il s’agit d’un projet plus global : « On s’est servi des JO comme d’un accélérateur de la transition écologique », a déclaré Colombe Brossel, l’adjointe en charge de la propreté et de la réduction des déchets, citée par le même média. « Cela nous donne un calendrier et un impératif » pour un chantier d’assainissement des eaux qui relève de toute manière d’une obligation européenne.
Il s’agit en réalité du retour d’un projet très ancien. Candidat à sa réélection à la Mairie de Paris en 1989, Jacques Chirac avait déclaré qu’il irait se baigner dans la Seine devant témoins trois ans plus tard pour prouver qu’elle était devenue propre. Une promesse restée lettre morte.
Si la baignade dans la Seine a longtemps fait partie du quotidien des Parisiens, cette activité est interdite depuis 1923, soit exactement un siècle. La présence de bactéries dans le fleuve provoquait trop de maladies, ce qui a poussé les pouvoirs publics à intervenir.
Et pour cause, les déchets, notamment plastiques, sont omniprésents dans le cours d’eau. D’après les données citées par ‘France Info’ à partir de recensements effectués, 100 à 200 tonnes de nouveaux déchets difficiles à éliminer seraient déversés chaque année dans la Seine.
En quoi va consister concrètement le plan de dépollution de la Seine ? Quatre pistes d’action ont été retenues : améliorer le traitement des eaux usées, mieux gérer les eaux de pluie, raccorder les péniches au tout-à-l’égout et refaire les branchements de 35 000 habitations.
Le problème est que le nettoyage des eaux va être opéré à base d’acide performique. Ce produit bactéricide peut pourtant détruire la faune et la flore présentes là où il est utilisé. Alors, la dépollution de la Seine est-elle vraiment un projet écologique ?
Une autre problématique est la gestion des eaux en cas de pluie : pour éviter que les égouts ne débordent en cas de précipitations trop fortes, les eaux sales sont rejetées directement dans la Seine.
Pour faire face à cet enjeu, la Ville de Paris fait construire un gigantesque réservoir d’eau souterrain, situé non loin de la gare d’Austerlitz. Mais l’opération a un coût élevé pour les finances de la commune : 90 millions d’euros.
Enfin, même si les eaux usées venaient à être mieux traitées, le problème de la pollution chimique demeure. Entre les traitements agricoles, la pollution issue des usines et les déchets de l’aéroport de Roissy qui se jettent dans la Marne (un affluent de la Seine en amont de Paris), la route est encore longue avant que la baignade dans le fleuve ne soit un exercice fiable.
Néanmoins, l’optimisme est de mise du côté de la Mairie de Paris. Entre le calendrier serré et l’impératif de qualité, les opérations avancent à marche forcée. Et un succès permettrait de donner une preuve supplémentaire de l’engagement écologiste de la majorité municipale.
Et certains indicateurs donnent des raisons de partager cet optimisme. Ainsi, on trouve désormais trente espèces de poissons différentes dans la Seine, contre seulement trois il y a un demi-siècle. Un indicateur positif, même si la présence de microbes rappelle que le fleuve est encore loin d’être 100 % propre.
Alors, rendre la Seine baignable est-il un projet réaliste ou une mission impossible ? Les opérations de dépollution ont d’ores et déjà montré des avancées notables de l’assainissement du fleuve. Mais rien ne prouve à ce stade que l’impact de ce chantier soit neutre sur le plan écologique. Rendez-vous l’an prochain pour voir si le pari est tenu !