Tariq Ramadan : que devient le prédicateur controversé ?
Célèbre pendant des années pour ses positions controversées avant de défrayer la chronique pour des affaires de viol à partir de 2017, Tariq Ramadan a toujours été une figure clivante du monde intellectuel. Mais que devient l’islamologue égypto-suisse, qui a 60 ans ce vendredi 26 août ?
La carrière universitaire et médiatique de Tariq Ramadan a connu un coup d’arrêt brutal lorsqu’il a été visé par des accusations de viol et de harcèlement à l’automne 2017, la période où a émergé le mouvement #metoo.
Mis en examen en 2018 pour viol par la justice française et incarcéré à la prison de Fleury-Mérogis, le prédicateur avait été remis en liberté sous conditions la même année. Mais l’affaire n’est pas terminée, puisque le parquet de Paris a demandé un procès aux assises au mois de juillet 2022. En attendant de connaître l’épilogue de ce feuilleton judiciaire, revenons sur le parcours d’une des voix les plus influentes du monde musulman.
Né à Genève en 1962, Tariq Ramadan est issu d’une famille de la bourgeoisie égyptienne. Il est le petit-fils de Hassan-el-Banna, l’un des fondateurs des Frères musulmans assassiné en 1949. Le père de Tariq a créé la branche palestinienne des Frères et son frère Hani (sur la photo), né en 1959, est également un célèbre islamologue.
Ramadan a commencé sa carrière comme professeur de français au collège de Saussure, en Suisse, à la fin des années 1980. Sa personnalité est déjà controversée, entre certains collègues qui admirent son engagement auprès de ses élèves et d’autres qui font état d’un renvoi de l’établissement.
À la même époque, Tariq Ramadan défend la cause palestinienne, s’engage dans le combat antiraciste et s’implique dans des causes humanitaires qui lui permettent de rencontrer Mère Teresa et l’Abbé Pierre. Il poursuit ses études islamiques au Caire à partir de 1991.
De retour en Europe en 1994, Tariq Ramadan accède rapidement à une notoriété internationale grâce à ses livres, ses conférences et ses passages à la télévision. Jouant sur un charisme indéniable, il est vu par certains comme un porte-parole de la jeunesse musulmane.
En 1995, alors qu’une vague d’attentats islamistes a lieu en France, Tariq Ramadan est interdit de séjour sur le territoire français. Le Centre islamique de Genève est soupçonné d’être lié au Front islamique du salut (FIS) et au Groupe islamique armé (GIA), deux organisations islamistes algériennes.
En 2005, après les attentats de Londres, Tony Blair invite l’étoile montante de l’islamologie à participer à un groupe de réflexion sur l’extrémisme islamiste. Certains voient dans son ton modéré une alternative aux prédicateurs violents, tandis que d’autres considèrent sa présence comme une manœuvre d’infiltration compte tenu de ses positions controversées, notamment sur la question des femmes. Il devient par la suite professeur invité à l’université d’Oxford.
Cette parenthèse anglaise se referme en 2011, lorsque Tariq Ramadan est nommé directeur du Centre de recherche sur la législation islamique et l’éthique, à la Faculté d’études islamiques de Doha, au Qatar.
Tout le parcours de Tariq Ramadan a été marqué par les controverses autour de ses prises de position et de sa personnalité. Ses partisans voient en lui un réformateur éclairé de l’islam, tandis que ses détracteurs le soupçonnent de vouloir imposer une vision rigoriste de cette religion en Occident. Ses propos favorables à un « moratoire » sur la lapidation dans les pays qui la pratiquent en sont la parfaite illustration.
En 2004, la militante féministe Caroline Fourest (sur la photo) publie « Frère Tariq », un essai dans lequel elle accuse l’intellectuel suisse de tenir un double discours. Il aurait selon elle un langage modéré pour les médias, tandis qu’il tiendrait des propos beaucoup plus conservateurs devant les musulmans pratiquants.
L’année précédente, Tariq Ramadan avait été accusé d’antisémitisme lorsqu’il avait publié un texte reprochant aux intellectuels français juifs de soutenir la politique israélienne. Cette position avait suscité une importante polémique en France.
Tariq Ramadan n’a jamais caché non plus son hostilité à l’égard de l’homosexualité. S’il ne condamne pas directement les personnes homosexuelles, il estime cette pratique incompatible avec sa foi.
Face aux reproches qui lui étaient faits concernant ses positions, notamment sur la place de la femme dans la société, l’islamologue a publié en 2009 un livre intitulé « Mon intime conviction ». Il y développe l’ensemble de ses idées, notamment sur l’intégration des musulmans dans les sociétés occidentales.
Tariq Ramadan est également connu pour ses talents de débatteur. Il a été opposé à de nombreuses reprises à ses détracteurs issus du monde intellectuel ou politique, qu’il a souvent mis en difficulté. Jusqu’à ce que la justice ne le rattrape…
Alors qu’il a largement disparu du débat public depuis le début de ses affaires judiciaires, Tariq Ramadan a chanté un slam « anticolonialiste » en avril 2021. Le morceau était dédié à « tous ceux qui ont subi la colonisation ». Mais le contenu des paroles a de nouveau suscité la polémique.
Tariq Ramadan fait désormais tout pour éviter un procès aux Assises. Ses avocats ont déposé un recours pour annuler l’information judiciaire dont il fait l’objet, en contestant la validité de l’expertise psychologique portant sur l’emprise des plaignantes. Désormais sexagénaire, Tariq Ramadan n’est toujours pas fixé sur son destin judiciaire.