Vers une accalmie des grèves et blocages en France ?
Depuis plusieurs semaines, la France est bloquée par une grève dans les raffineries qui a compliqué l’approvisionnement de carburants. Le mouvement a culminé avec un appel plus large à la grève et des manifestations le mardi 18 octobre dernier. Mais quelle a été exactement son ampleur ? Et où en est-on aujourd’hui ?
Conséquence directe de l’inflation, les syndicats de TotalÉnergies, le géant français de la production pétrolière et de la distribution d’essence, ont appelé les salariés à la grève contre la « vie chère ». Le mouvement a été lancé le 27 septembre dernier dans les raffineries de pétrole.
Les raffineries ont été bloquées dans tout le pays, ce qui a entraîné des pénuries de carburant dans les stations-services. D’immenses files d’attente dans les stations essence ont été observées aux quatre coins du territoire.
Selon la Première ministre Élisabeth Borne, 30 % des stations-services étaient en rupture d’au moins un carburant le weekend précédant la grève, et encore 25 % le 18 octobre.
Mais le mouvement social s’est étendu au-delà du secteur pétrolier. Les syndicats avaient lancé un appel à la grève interprofessionnelle le mardi 18 octobre, toujours dans le but d’obtenir des augmentations de salaire pour faire face à l’inflation.
Les manifestations de mardi dernier ont été organisées dans environ 150 points de rassemblement en France. Elles ont été suivies par 107 000 personnes selon le ministère de l’Intérieur, et par 300 000 selon la CGT, le principal syndicat à l’initiative du mouvement.
Un mouvement de grève a aussi eu lieu à la SNCF. Le trafic ferroviaire a été fortement réduit la semaine dernière. Une partie du monde enseignant s’est également jointe au mouvement.
11 centrales nucléaires étaient aussi concernées par le mouvement de grève du 18 octobre. Un chiffre inquiétant compte tenu de la crise énergétique et de la nécessité de remettre en état de marche le parc nucléaire français, aujourd’hui partiellement arrêté pour des opérations de maintenance.
Le mouvement de grève s’est progressivement essoufflé dans différents secteurs d’activité. Mais il a été reconduit dans deux dépôts de carburant, à Gonfreville en Normandie, et à Feyzin près de Lyon. Dimanche 23 octobre, entre 120 et 130 salariés restaient en grève selon la CGT.
Face à la situation de pénurie, le gouvernement avait d’abord laissé entendre qu’il pourrait procéder à une réquisition de personnel pour assurer la continuité de la vente de carburant. Mais il s’agit d’une décision très risquée politiquement.
La pression sur l’exécutif est maximale alors que la situation politique est déjà explosive par ailleurs. Régulièrement mis en minorité à l’Assemblée nationale, le gouvernement a affronté deux motions de censure (déposées respectivement par le Rassemblement national et la gauche). Il doit par ailleurs passer en force pour faire adopter le projet de loi de finances 2023.
La Nupes, l’alliance des différentes formations de gauche à l’Assemblée nationale, a soutenu les grévistes et compte bien exploiter la situation pour affaiblir encore plus la majorité présidentielle. Le mouvement social aura-t-il des conséquences politiques concrètes ?
Alors que les vacances de la Toussaint, synonymes de grands départs en voiture, ont débuté, la situation s’est progressivement améliorée dans les stations-services. Selon des sources gouvernementales, seules 13 % d’entre elles manquaient soit d’essence, soit de gazole vendredi 21 au soir, contre encore près de 17 % la veille.
L’activité est désormais repartie dans une grande partie des raffineries françaises. Les aires d’autoroute sont ravitaillées en priorité car les compagnies pétrolières ont une obligation de continuité de service vis-à-vis des sociétés d’autoroute. Mais aussi pour permettre aux vacanciers de circuler.
Le bras de fer entre la CGT et la direction n’est pas encore terminé à TotalÉnergies, le syndicat continuant de revendiquer une hausse de 10 % des salaires. Mais deux autres syndicats majoritaires ont signé un accord prévoyant une augmentation de 5 %. Chez le concurrent Esso-Exxon-Mobil, le mouvement a également pris fin après la conclusion d’un accord sur les salaires.
Le conflit semble donc se tasser, mais la situation reste complexe : l’inflation et la crise énergétique sont loin d’être terminées, tandis que le gouvernement minoritaire à l’Assemblée a de grandes difficultés pour agir. Le contexte politique et social devrait donc rester difficile pour les prochains mois.