Inondations en Libye : l'OMS et l'ONU craignent une propagation de maladies
Quand une catastrophe en entraîne une autre... Les inondations survenues en Libye dans la nuit du dimanche 10 au lundi 11 septembre, après le passage de la tempête Daniel, ont laissé le pays dans un chaos total. Des milliers de Libyens ont perdu la vie dans les flots, et certaines villes ressemblent aujourd'hui à des champs de bataille. Désormais, l'ONU craint une "deuxième crise dévastatrice dans la région" causée par une propagation de maladies.
Derna (photo), ville côtière de 100 000 habitants située à l'est du pays, a été la plus touchée par les inondations. Selon des ONG sur le terrain, deux barrages installés près de la ville n'ont pas résisté à la force des eaux de crue et ont cédé la place à un torrent dévastateur.
Selon le dernier bilan de l'ONU publié le samedi 16 septembre, au moins 11 300 personnes sont décédées dans les inondations, et 10 100 restent portées disparues, dans la seule ville de Derna. Au moins 170 morts ont également été recensés dans le reste de la région.
De son côté, le ministre de la Santé de l’administration de l’Est libyen, Othman Abdeljalil, fait état, à la même date, d'un bilan provisoire de 3 252 morts. Des chiffres qui sont donc incertains, mais risquent de toute façon de s'alourdir.
Les témoignages des personnes travaillant sur le terrain sont accablants : des quartiers entiers auraient été emportés vers la mer par la force des eaux de crue.
La BBC a cité un représentant du gouvernement libyen, Hisham Chkiouat, qui a déclaré que ce qui s'est passé était semblable à "un tsunami".
Dans la ville portuaire de Derna, des milliers de corps sont rejetés par la mer Méditerranée, ou se décomposent sous les décombres. Face à cette détresse, les autorités libyennes s'empressent d'enterrer les corps, notamment dans des fosses communes. Mais selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), et des associations telles que la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge, "cette approche peut être préjudiciable à la population".
Si l'OMS explique que "les corps des personnes décédées à la suite de blessures subies lors d'une catastrophe naturelle ou d'un conflit armé ne représentent presque jamais un danger pour la santé des communautés", leur présence à proximité de sources d'eau peut poser des problèmes de santé.
Selon l'OMS, ces corps sans vie "peuvent laisser échapper des excréments et contaminer les sources d'eau, entraînant un risque de diarrhée ou d'autres maladies."
"Les autorités locales, les agences d’aide et l’équipe de l’OMS sont toutes préoccupées par le risque de propagation de maladies, notamment par l’eau contaminée et le manque d’hygiène", a déclaré l'ONU dans un communiqué, ajoutant que "l"équipe continue de travailler pour prévenir la propagation de maladies".
Le Centre libyen de contrôle des maladies met en garde sa population : "Pour votre sécurité, il est interdit d'utiliser ou de boire l'eau du réseau local, parce qu'elle est polluée par les inondations."
Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies, cité par France 24, 150 personnes auraient déjà été contaminées par les eaux polluées, et 55 enfants seraient morts, empoisonnés par cette eau.
Un chaos qui vient s'ajouter à la situation elle-même chaotique de la Libye. Depuis le renversement (et l'exécution) de Kadhafi en 2011, le pays est en proie à une confrontation permanente entre factions. Il existe un gouvernement officiel dans la capitale, Tripoli, et un autre dans l'est du pays.
De telles tragédies montrent que le changement climatique met en péril des zones qui, jusqu'à récemment, n'étaient pas aussi exposées.
La tempête Daniel qui a causé les pluies et les dégâts a été qualifiée de "cyclone" par la presse européenne en raison de ses caractéristiques extrêmes : fortes pluies et vents soufflant jusqu'à 180 kilomètres à l'heure.
Les pluies torrentielles en Libye ont la même origine que celles qui ont frappé des pays comme l'Espagne, la Grèce, la Bulgarie et la Turquie ces derniers temps : le réchauffement de la mer Méditerranée.
Les eaux de la Méditerranée affichent une température élevée et s'évaporent : cette vapeur rencontre les fronts d'air froid typiques de la saison. Cela provoque de très fortes tempêtes.
Les pays pauvres comme la Libye, dotés d'une infrastructure minimale, sont mal préparés aux nouveaux phénomènes climatiques.
Les offres d'aide internationale n'ont pas tardé à arriver. Selon la BBC, des pays comme l'Égypte, l'Allemagne, l'Iran, l'Italie, le Qatar et la Turquie ont été les premiers à annoncer qu'ils enverraient tout ce qui était nécessaire pour secourir et soutenir les survivants. Actuellement, des équipes de neuf agences de l'ONU sont présentes à Derna et dans d'autres villes de l'est libyen pour aider les autorités locales.
Le journaliste libyen Abdulkader Assad a déclaré à la BBC : "Il n'y a pas d'équipes de secours, pas de sauveteurs formés en Libye. Au cours des 12 dernières années, tout a été consacré à la guerre."
Face à l'ampleur de cette catastrophe, les deux camps libyens semblent avoir mis leurs querelles de côté. Le gouvernement de Tripoli a ainsi envoyé des aides et des équipes de secours dans les zones sinistrées.