L'Antarctique se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde
Dans une nouvelle étude publiée le jeudi 7 septembre dans la revue Nature Climate Change, des scientifiques estiment que le réchauffement climatique de l'Antarctique atteindrait "entre 0,22 °C et 0,32 °C par décennie", ce qui est deux fois plus élevé que dans le reste du monde.
Ces chercheurs, basés en France, au Royaume-Uni et en Allemagne, ont analysé les enregistrements isotopiques de 78 carottes de glace (échantillons issus de calottes glaciaires) de l’Antarctique pour déterminer à quel rythme se réchauffait le pôle Sud de notre planète.
Photo : Torsten Dederichs / Unsplash
"Le réchauffement actuel en Antarctique est deux fois plus fort que dans le reste du monde, et entre 20 % et 50 % plus important que les prédictions des modèles climatiques, même en Antarctique de l’Est", peut-on lire dans l'étude.
Contacté par l'AFP, Mathieu Casado, du Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE), et auteur principal de l'étude, indique : "Avec nos reconstructions à partir des carottes de glace, on prédit un réchauffement qui serait entre 0,22 °C et 0,32 °C par décennie", alors que "les modèles de climat prédisent une valeur de 0,18 °C par décennie", précise-t-il.
Les chercheurs ont constaté il y a longtemps que l'Arctique se réchauffe trois fois plus vite qu'ailleurs, à cause de ce qu'on appelle "l'amplification polaire", un ensemble de phénomènes qui entraine l'accélération du réchauffement climatique au pôle Nord. Mais l'Antarctique était, théoriquement, bien moins concerné, car il est constitué d'une couche de glace plus épaisse.
En fait, il est plus difficile d'analyser le réchauffement climatique au pôle Sud qu'au pôle Nord, tout simplement parce que les premières bases importantes d'observations n'ont été installées qu'en 1950. "En Antarctique, l’augmentation de température restait jusqu’à présent difficile à quantifier à cause des données météorologiques qui couvrent seulement les cinquante dernières années", explique l'étude publiée dans la revue Nature Climate Change. De plus, sur les 23 stations météorologiques installées en Antarctique, seules trois se situent dans les terres, et non sur la côte.
Mathieu Casado indique à l'AFP que le réchauffement rapide de l'Antarctique serait notamment lié à la "circulation atmosphérique" et à la qualité de la neige.
Photo : Torsten Dederichs / Unsplash
Quoi qu'il en soit, l'Antarctique subit déjà des conséquences majeures à cause du réchauffement climatique. À l'image de celui qu'on appelle le "glacier du Jugement Dernier" (le glacier Thwaites de son véritable nom), qui fond bien plus vite que ce que les scientifiques prévoyaient.
Une fois fondu, ce glaçon d'une taille équivalente à celle de l'Inde, le glacier Thwaites, en Antarctique, changera radicalement la (sur)face de notre monde. Ce n'est pas sans raison qu'il est surnommé "le glacier du Jugement dernier”.
Sridhar Anandakrishnan, de l'université d'État de Pennsylvanie, a déclaré au site d'actualité "Mashable" en 2021 : "Thwaites est le seul endroit de l'Antarctique qui pourrait déverser une énorme quantité d'eau dans l'océan au cours des prochaines décennies.”
Photo de Twitter @PSUEarth
Spécialisé dans l'étude des réactions des calottes glaciaires de l'Antarctique et du Groenland au changement climatique, le professeur Anandakrishnan étudie le glacier Thwaites depuis plus de dix ans en tant que professeur de glaciologie et sismologue glaciaire.
Photo de Twitter @PSUEarth
Le glacier Thwaites fond trop vite pour que sa croissance hivernale ne compense ces pertes, annonçait Anandakrishnan en 2010.
Anandakrishnan a déclaré à Jean de Pomereu, de Science Poles (magazine scientifique polaire), lors d'une interview en 2010 que "Jusqu'à récemment, la perte de masse du glacier Thwaites due à la fonte et au vêlage était équilibrée par la quantité de neige tombée à la surface du glacier."
Le professeur de glaciologie poursuit : "En d'autres termes, la quantité d'eau que le glacier a retirée et ajoutée de l'océan est égale à zéro."
Le professeur a expliqué à Jean de Pomereu : "Cependant, au cours des dernières décennies, l'équilibre s'est modifié, de sorte que la quantité de masse perdue à cause de la fonte et du vêlage est supérieure à la quantité de masse ajoutée."
Le réchauffement climatique aggrave-t-il réellement les maladies infectieuses ?
Mais même si Anandakrishnan annonçait que le glacier du Jugement dernier perdait de son volume, et entraînerait une élévation du niveau des mers, il n'aurait pas pu prédire à quel point la situation allait empirer...
L'apparition de profondes fissures dans la glace ont accéléré le dégel du glacier de Thwaites : c'est ce que concluent deux études publiées dans le magazine Nature le 15 février. Elles ont révélé que le glacier du Jugement dernier fondait plus vite qu'on ne le pensait.
Les auteurs de l'une des études concluent : "Nos résultats démontrent que le modèle canonique de fonte basale du plateau glaciaire utilisé pour générer des projections du niveau de la mer ne peut pas reproduire les taux de fonte observés sous ce glacier d'une importance critique."
"Le Thwaites est peut-être déjà dans un état de perte de glace accélérée et irréversible et son effondrement dans les siècles à venir contribuerait à augmenter de 65 cm le niveau global de la mer," ajoutent les auteurs… Mais ce n'est pas ça le pire !
L'élévation de 70 centimètres du niveau de la mer qui s'ensuivrait serait "suffisante pour dévaster les régions côtières du monde entier," selon Laura Paddason de CNN... Et là encore, on ne vous a pas tout dit ! Car ce n'est pas tout...
"Le glacier Thwaites agit également comme un barrage naturel pour la glace environnante dans l'Antarctique de l'Ouest et les scientifiques ont estimé que le niveau mondial de la mer pourrait finalement augmenter d'environ 3 mètres si le Thwaites s'effondrait", écrit Paddison.
"Bien que cela puisse prendre des centaines ou des milliers d'années, la plateforme de glace pourrait se désintégrer beaucoup plus tôt, déclenchant un recul du glacier qui est à la fois instable et potentiellement irréversible", ajoute Paddison.
La fin du glacier du Jugement dernier pourrait être plus proche qu'on ne le pense, selon un groupe de scientifiques de l'International Thwaites Glacier Collaboration. Leurs travaux ont été présentés à l’Union américaine de géophysique en 2021.
Le scientifique l’affirme : "Nous utilisons des données satellitaires, des radars à pénétration de sol et des mesures GPS qui suggèrent que l'effondrement final de la dernière plateforme de glace du glacier Thwaites pourrait être initié par l’intersection de failles avec des zones de crevasses basales cachées dans un délai de 5 ans seulement". Une bien sombre prophétie, en passe de se réaliser.