Donald Trump : une série d'e-mails divulgués révèle les détails du plan des "faux électeurs"
Des e-mails non divulgués jusque-là donnent un aperçu des efforts désespérés déployés par les conseillers de Donald Trump pour renverser sa défaite électorale dans les semaines qui ont précédé l'attaque du Capitole.
Les dizaines de mails échangés entre des personnes liées à la campagne de Trump montrent que l'accent était mis sur la création de listes de personnes prétendant, sans fondement, être des électeurs de Trump dans des États qu'il a perdu.
Dans des mails examinés par le New York Times et authentifiés par des personnes ayant travaillé pour la campagne de Donald Trump, un avocat impliqué dans les discussions détaillées a utilisé à plusieurs reprises le terme "faux" pour désigner les soi-disant grands électeurs.
Ces soi-disant grands électeurs avaient pour but de fournir au vice-président Mike Pence et aux alliés de Trump au Congrès une justification pour faire dérailler le processus de certification du résultat par le Congrès.
"Nous ne ferions qu'envoyer de 'faux' votes électoraux à Pence pour que 'quelqu'un' au Congrès puisse faire une objection quand ils commenceront à compter les votes, et à argumenter que les 'faux' votes devraient être comptés", a écrit Jack Wilenchik, un avocat, dans un mail du 8 décembre 2020 adressé à Boris Epshteyn, un conseiller stratégique de la campagne Trump.
Dans sa réponse, Wilenchik écrit que le terme "alternatif" est probablement plus approprié que celui de "faux" votes, ajoutant un émoji en forme de smiley.
Photo : Wu Yi/Unsplash
Un autre e-mail révèle que plusieurs des principaux conseillers de l'ancien président ont été informés de problèmes de désignation des électeurs de Trump dans le Michigan, un État qu'il avait perdu. Les règles de pandémie avaient en effet fermé le bâtiment du Capitole de l'État, où les soi-disant électeurs devaient se réunir.
Les messages montrent que les participants aux discussions ont rapporté les détails de leurs activités à Rudolph W. Giuliani, l'avocat personnel de Trump, et, dans au moins un cas, à Mark Meadows, le chef de cabinet de la Maison Blanche.
Selon la commission de la Chambre qui a enquêté le 6 janvier, Mark Meadows a envoyé un courriel à un autre conseiller de campagne en précisant : "Nous avons juste besoin d'avoir quelqu'un qui coordonne les grands électeurs pour les États."
De nombreux mails ont été adressés à Boris Epshteyn, qui faisait office de coordinateur pour les personnes à l'intérieur et à l'extérieur de la campagne de Trump et de la Maison Blanche, et qui reste un proche collaborateur de Trump.
Les mails montrent qu'Epshteyn était un point de contact régulier pour John Eastman, l'avocat dont le plan pour faire dérailler la certification du résultat par le Congrès a été approuvé par Trump.
Non seulement Epshteyn a transmis à Rudolph W. Giuliani la proposition détaillée pour le 6 janvier, préparée par John Eastman, mais il s'est également occupé des questions relatives à la rémunération d'Eastman et a organisé sa visite à la Maison Blanche le 4 janvier 2021, selon les e-mails divulgués.
C'était le jour de la réunion dans le bureau ovale au cours de laquelle Trump et Eastman ont fait pression, sans succès, sur Mike Pence pour qu'il adopte le plan : un échange dont ont été témoins les deux principaux assistants de Pence, Marc Short et Greg Jacob. Tous deux ont récemment témoigné devant le grand jury fédéral chargé d'enquêter sur l'assaut du Capitole.
Les mails n'ont apparemment pas été partagés avec les avocats du bureau des conseillers de la Maison Blanche, qui ont indiqué que le plan des faux électeurs n'était pas solide sur le plan juridique.
Le 8 décembre 2020, Wilenchik a écrit que Kelli Ward (photo), membre du Parti républicain de l'Arizona participant au plan des faux électeurs, recommandait d'essayer de "garder le secret jusqu'à ce que le Congrès compte le vote le 6 janvier, afin que nous puissions essayer de "surprendre" les démocrates et les médias." Il ajoute :"Je suis plutôt d'accord avec elle."
La commission d'enquête sur l'attaque du 6 janvier au Capitole a prouvé que Trump était au courant du plan des faux électeurs.
Ronna McDaniel, la présidente du Comité National Républicain (RNC), a déclaré dans une déposition devant la commission que Trump l'avait appelée pour "parler de l'importance pour le Comité National Républicain d'aider la campagne à rassembler ces grands électeurs contingents".
Le grand jury a également entendu le témoignage de Greg Jacob, qui était le conseiller de Pence à la Maison Blanche. Selon lui, Eastman a admis lors de la réunion du 4 janvier dans le bureau ovale, en présence de Trump, que son plan pour que Pence fasse obstruction à la certification électorale, violait la loi sur le comptage électoral.
Tout en organisant le système des faux électeurs, les avocats ont nommé une "personne de référence" dans sept États pour aider à coordonner ceux qui étaient prêts à signer leur nom sur de faux documents.
En Pennsylvanie, cette personne était Douglas V. Mastriano, un partisan des mensonges de Trump sur une élection volée, qui est maintenant le candidat républicain au poste de gouverneur.
Mais même Mastriano avait besoin d'être rassuré pour se rallier à un plan que d'autres républicains lui disaient "illégal", selon un mail envoyé le 12 décembre par une avocate qui faisait également référence à Giuliani, alors maire de New York.
"Mastriano a besoin d'un appel du maire. Cela doit être fait. Parlez-lui des aspects légaux de ce qu'ils font", a-t-elle écrit, ajoutant : "Les électeurs veulent être assurés que le processus est *légal*, c'est essentiel pour une plus grande stratégie."
En décembre, il était clair qu'aucune autorité n'accepterait de suivre le plan, et les avocats de Trump ont donc décidé de faire pression sur Mike Pence, qui devait présider une session conjointe du Congrès le 6 janvier.
Le 7 décembre 2020, Jim Troupis, qui a travaillé pour la campagne de Trump dans le Wisconsin, a écrit à Epshteyn qu'il n'était pas nécessaire que les législateurs agissent, disant qu'ils avaient seulement besoin de "créer une raison pour que Pence bloque ou retarde la certification par le Congrès des résultats du collège électoral le 6 janvier".
"La deuxième liste se présente à midi le lundi, vote et transmet les résultats", a écrit M. Troupis au sujet de l'organisation des listes des grands électeurs républicains qui votaient pour M. Trump le 14 décembre 2020.
"Notre stratégie est que les grands électeurs se réunissent et votent afin qu'une décision provisoire certifiant Trump vainqueur puisse être exécutée (...) La clé au niveau national serait que les six États le fassent afin que l'élection reste dans le doute jusqu'en janvier", a ajouté M. Troupis.
Selon le New York Times, les mails ont également démontré que l'équipe juridique s'était appuyée sur de fausses informations pour avancer de larges allégations de fraude électorale.
Le 17 décembre, Epshteyn a écrit à Giuliani qu'un document sur la fraude électorale créé par le conseiller commercial de Trump, Peter Navarro, (qui a été discrédité par des fonctionnaires d'État et des tribunaux), semblait être "le résumé le plus complet de la fraude électorale de cette saison électorale."
Les avocats étaient conscients que leurs efforts juridiques étaient ridiculisés. Le 23 décembre, l'un d'entre eux a écrit : "Vous vous faites tuer dans les médias sur la stratégie de litige, même sur Fox et parmi les conservateurs."
Mais ils ne se sont pas découragés. La veille de Noël, Eastman a envoyé à Epshteyn un mail qu'il avait reçu, dans lequel une femme l'implorait de demander à Trump "d'indiquer ce qu'il aimerait que ses 74 millions de partisans fassent pour l'aider". Elle ajoutait : "Nous devons être une seule voix".
Dans son mail à Epshteyn, Eastman a ajouté : "J'ai pensé que je devais faire suivre ceci. 74 millions de personnes. Trouvons un moyen ciblé de les déployer. Un coup de tonnerre ? Une législature à la fois ? Les autres peuvent le voir venir."
Quelques jours plus tôt, Trump avait demandé à ses partisans de descendre à Washington le 6 janvier pour une "manifestation" qu'il avait promis d'être "sauvage".