Ces soldats russes qui refusent de combattre pour Poutine en Ukraine
Que se passe-t-il lorsqu'un soldat décide qu'il ne veut plus participer à une guerre ? Tourner le dos à sa patrie n'est pas une décision facile et peut avoir de graves conséquences.
En Ukraine, certains soldats russes ont pris le parti de démissionner parce qu'ils estiment que la guerre qu'ils mènent est injuste ou parce qu'ils ont le sentiment d'avoir été envoyés à l'abattoir.
Ces soldats ont choisi d'abandonner le combat, et leurs témoignages montrent de manière éloquente comment la guerre en Ukraine progresse.
Dès novembre 2022, CNN a obtenu le témoignage d'un officier (dont le nom n'a pas été révélé) qui a été envoyé en Crimée et, par surprise, s'est retrouvé à pénétrer en territoire ukrainien. Lui et ses compagnons de bataillon ont été menés délicatement dans une guerre dont ils croyaient qu'elle n'éclaterait jamais.
Dans le cas du militaire qui a offert son témoignage à CNN, il assure qu'ils n'ont même pas été informés de la "dénazification" de l'Ukraine.
Au lieu de cela, ils ont été envoyés là-bas sans trop savoir les raisons. Le soldat a déclaré à CNN : "Nous n'avons même pas été martelés avec une sorte de rhétorique de 'nazis ukrainiens'. Beaucoup ne comprenaient pas à quoi cela servait et ce que nous faisions ici."
Le soldat a raconté à CNN qu'il avait ressenti le besoin de cacher son visage de honte tant il était gêné d'envahir le territoire ukrainien.
Alors que les Russes subissaient une attaque plus lourde de la part des Ukrainiens, le soldat raconte : "Pendant la première semaine environ, j'étais dans un état de choc post-traumatique. Je ne pensais à rien."
L'homme qui s'est adressé à CNN a raconté comment, après avoir vu le rejet que la présence russe provoquait parmi la population ukrainienne, il a décidé de partir.
Les militaires professionnels peuvent légalement démissionner et c'est ce qu'il a fait. Les militaires l'ont averti qu'une procédure pénale pourrait être ouverte contre lui, mais il a continué. Finalement, ils l'ont laissé partir, mais ce n'est pas toujours aussi simple.
Dans l'épaisse fumée causée par la propagande d'un côté ou de l'autre, la vérité est qu'il semble y avoir un bon nombre de soldats russes qui ont refusé de combattre en Ukraine. L'un d'eux, également anonyme, a déclaré à Reuters : "Ce n'est pas notre guerre".
L'un des problèmes est que, selon le militaire avec qui Reuters a pu s'entretenir, l'armée russe ne tient même pas ses promesses : "(En Russie) ils nous ont alignés et nous ont dit que tout le monde recevrait une indemnité journalière, des payes extra pour le combat et des médailles." Mais rien n'est venu, alors : "Nous avons décidé de démissionner. Nous étions 14".
Les autorités ukrainiennes affirment que des démissions ont lieu quotidiennement à tous les niveaux (soldats, officiers, unités de base ou d'élite) et que dans certains bataillons, on compte 70% de démissions. Toutefois, ces chiffres ont une forte connotation propagandiste.
Valentina Menlikova, du Comité des mères de soldats russes, assure que, même si le nombre exact ne peut être connu, de nombreux soldats présentent leur démission.
Démissionner est un droit pour ces soldats professionnels qui ont un contrat en cours. Ceux qui démissionnent ne sont donc pas des déserteurs, ils le font en suivant les voies réglementaires.
Mais, selon le Comité des mères de soldats, la démission n'est pas facile. Elle doit être soumise à un officier supérieur et dépend toujours de la volonté du commandant. Qui peut simplement le jeter à la poubelle.
Il y a peu de triomphalisme dans les témoignages des personnes qui ont abandonné leur combat en Ukraine. Le soldat qui a parlé à CNN déclare : "Nous étions sales et fatigués. Les gens autour de nous étaient en train de mourir. Je ne voulais pas faire partie de tout cela."
Il est vrai qu'après quelques mois de guerre, la Russie a réussi à stabiliser la guerre et à gagner du terrain après un début désastreux, mais les rapports ont fait état d'une armée désorganisée, d'un manque de ravitaillement et d'un trop grand nombre de victimes.
Selon des documents secret-défense des États-Unis, les pertes russes depuis le début de lla guerre s'élèveraient à plus de 200 000 soldats. Un chiffre non confirmé par la Russie évidemment, qui déplore la perte de 40 000 à 55 000 soldats.
Les témoignages de soldats qui ne savaient pas où ils étaient envoyés abondent. Au début des combats, l'Ukraine a diffusé des vidéos de soldats russes capturés qui ont été autorisés à parler à leur mère au téléphone et ont reconnu qu'ils tiraient sur des cibles civiles. Au demeurant, ces enregistrements sont contraires à la Convention de Genève : les prisonniers ne peuvent être montrés ou utilisés de quelque manière que ce soit (y compris à des fins de propagande).
Une autre vidéo devenue virale montrait des soldats assurant qu'ils rentraient chez eux se sentant "trompés" parce qu'on leur avait dit qu'ils n'allaient effectuer que des manœuvres militaires.
Lorsqu'en septembre 2022, Poutine a annoncé une mobilisation partielle des réservistes militaires en Russie, les Russes se sont empressés de fuir le pays. Les vols se sont vendus ou ont atteint des prix inabordables, et de longues files d'attente se sont formées à la frontière avec la Finlande.
Les Russes de tous âges sont descendus également dans la rue pour protester contre la mobilisation, signe que la Russie ne fait pas aussi bloc que ce que Poutine voudrait laisser entendre. De fait, à cette occasion, plus de 2 000 personnes ont été arrêtées pour avoir protesté et beaucoup ont dénoncé le fait que des hommes étaient mobilisés même s'ils bénéficiaient d'une exemption médicale ou d'un manque de formation militaire.