Entre surpopulation et délabrement : l'état désastreux des prisons françaises
Alors que la privation de liberté reste la peine la plus souvent prononcée pour les crimes et les délits les plus graves, l’augmentation de la population carcérale et le manque d’investissement public ont tendance à dégrader les conditions de vie des détenus et l’état des bâtiments. Un bilan en images.
La surpopulation carcérale et le mauvais état des prisons sont un sujet ancien en France, qui a valu à l’État d’être condamné officiellement par la Cour européenne des droits de l’homme en janvier 2020.
Selon les statistiques du ministère de la Justice, citées par Les Échos, 78 509 personnes étaient incarcérées en France au 1ᵉʳ juillet 2024, soit une hausse de 5,4 % en un an.
Le nombre de places opérationnelles est seulement de 61 694, ce qui signifie que la densité carcérale est de 119 détenus pour 100 places de prison, indique Europe 1.
La France se situe à la troisième place en Europe pour cet indicateur, derrière Chypre (160 %) et la Roumanie (120 %), d'après une étude publiée en juin 2024 par le Conseil de l'Europe.
Avec un taux d’incarcération de 106,2 pour 100 000 habitants, un citoyen sur mille est actuellement détenu en France.
En France, la durée de détention moyenne était de 11 mois en 2022, toujours selon les statistiques ministérielles. Un chiffre supérieur à la moyenne européenne (8,9 mois) mais très inférieur à la durée moyenne de certains pays comme l’Espagne (22 mois) ou l’Italie (19 mois).
Près de 20 000 détenus, soit plus d'un quart d'entre eux, sont en réalité des prévenus placés en détention provisoire en attente d’un jugement définitif, selon les statistiques de 2023 de l'Observatoire international des prisons (OIP). Plus d’un détenu français sur quatre est donc une personne toujours présumée innocente du crime ou du délit dont elle est accusée.
Selon France Info, cette densité est supérieure à 200 % dans 17 établissements ou quartiers pénitentiaires français, atteignant même 281,6 % dans le centre pénitencier de Majicavo, à Mayotte. Des chiffres vertigineux qui interrogent sur les conditions de vie des détenus !
La surpopulation carcérale a des conséquences très concrètes : des milliers de détenus n’ont par exemple pas de lit et doivent dormir sur des matelas posés à même le sol. Certains détenus dorment à plusieurs en cellule, ne disposant que d’un ou deux mètres carrés par personne.
En 2018, avant même la condamnation de la France par la justice européenne, le chef de l’État s’était engagé à construire 15 000 nouvelles places à l’horizon 2027 afin de désengorger les prisons.
Une autre piste avancée pour réduire la densité des prisons et améliorer les conditions de détention est la « régulation carcérale ». Cette proposition issue des États généraux de la justice de 2022, reprise cette année par le Conseil de l'Europe, consisterait à fixer un seuil de population maximal pour chaque établissement, qui serait respecté grâce à des mécanismes de libération de certains détenus.
Outre la surpopulation, la vétusté et l’insalubrité des locaux sont d’autres facteurs d’inquiétude. À cause d’un manque d’investissement dans les infrastructures, les prisons sont trop souvent froides ou humides, offrant des conditions de vie indignes à leurs résidents.
L’OIP a recueilli plusieurs témoignages alarmants de détenus français. Voici ce que dit l’un d’entre eux, cité par l’ONG Amnesty International : « J’ai fait plusieurs tentatives de s u i c i d e. Je n’en peux plus des rats, je n’arrive pas à dormir. Les cafards, les insultes entre détenus, j’ai peur. »
Par ailleurs, la prise en charge sanitaire des détenus est insuffisante dans les prisons françaises. Une situation encore aggravée lors de la pandémie de Covid-19.
Un dernier problème est le défaut de préparation de la sortie de prison. Les activités proposées aux détenus sont insuffisantes, tout comme les possibilités de réinsertion une fois la peine terminée. Cette situation est un facteur majeur de récidive, tout comme la surpopulation carcérale.
Que faire alors pour remédier au mauvais état des prisons ? Plusieurs expériences étrangères réussies peuvent inspirer les autorités françaises. Par exemple, la limitation très stricte de la détention provisoire a permis une baisse continue de la population carcérale en Allemagne.
Une autre piste pour désengorger les prisons pourrait consister à aménager les peines. Par exemple, les Pays-Bas ne condamnent les auteurs de délits mineurs qu’à des amendes ou à des travaux d’intérêt général. Des aménagements pourraient aussi s’appliquer aux détenus qui ne présentent plus de risque majeur.
Concernant les conditions de vie des détenus, certains pays ont fait le choix, contrairement à la France, de construire des établissements plus petits. Placer les détenus dans des prisons à taille humaine diminuerait le risque de récidive.
De son côté, le gouvernement sortant continue de tabler sur la création de 15 000 places supplémentaires d'ici à 2027. 19 nouveaux établissements ont été mis en service entre 2017 et 2023.
Mais une amélioration réelle des conditions de vie en prison nécessite un investissement plus marqué dans tous les domaines : entretien des bâtiments, prise en charge médicale, agrandissement des espaces de vie, extension des activités proposées aux détenus… Une urgence pour les pouvoirs publics tant l’état des prisons françaises laisse à désirer !