Canada : quel est l'impact des feux de forêts sur les animaux sauvages ?
Depuis le début du mois de mai, le Canada est confronté à des incendies d'une extrême violence, qui ont déjà ravagé plus de 12 millions d'hectares. Au 30 juillet 2023, le pays était en proie à 990 feux de forêts, dont 613 jugés hors de contrôle.
D'après une étude de l'observatoire européen Copernicus, publiée le jeudi 3 août 2023, les émissions de carbone générées par ces feux de forêts au Canada ont atteint des niveaux inédits.
"Actuellement, les émissions totales des feux de forêts au Canada se situent à environ 290 mégatonnes (de carbone), alors que le précédent record enregistré en 2014 était de 138 mégatonnes", indique Copernicus. Et les émissions de carbone ne vont faire qu'augmenter.
La faune subit de plein fouet ces feux de forêts, dans tout le Canada. Si certains animaux périssent dans les flammes, d'autres arrivent à s'en sortir en se trouvant un nouvel habitat.
D'après Erin Bayne, professeur de sciences biologiques à l'Université de l'Alberta, les grands mammifères tels que les loups, les cerfs et les wapitis, arrivent facilement à s'éloigner des incendies et à trouver des sources d'eau. En revanche, pour les petits mammifères, la situation est plus complexe.
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Selon le biologiste, les petits mammifères ne sont pas assez rapides pour échapper aux flammes et ont plus de mal à s'enfuir. Certains trouveraient cependant refuge sous la terre, comme c'est le cas des souris sylvestres.
De leur côté, les oiseaux ont eu de la chance, car peu d'entre eux avaient commencé à faire leurs nids dans les forêts canadiennes au début du mois de mai. "Si cela s'était produit [plus tard en mai], nous aurions assisté à une destruction massive des nids et les oiseaux auraient dû, soit se sauver et ne pas nicher cette année-là, soit probablement nicher ailleurs et réessayer", a expliqué Erin Bayne à Radio-Canada.
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Pour fuir les incendies, de nombreux animaux, et particulièrement des petits mammifères, se retrouvent donc dans des zones urbaines, parfois au péril de leurs vies. Désormais, les animaux doivent donc s'adapter aux feux de forêts qui font partie de l'écosystème canadien, et qui risquent de s'intensifier avec les années. En outre, l'impact des feux de forêts sur les animaux serait déjà visible sur leur comportement.
Une étude publiée dans la revue scientifique 'American Ecological Journal' révèle que les feux de forêt ne se limitent pas à menacer la faune sauvage. Le comportement des animaux serait par ailleurs modifié.
"Comme l'activité des incendies augmente avec le changement climatique", écrivent les auteurs de l'étude dans leur abstract, "nos résultats indiquent que l'impact sur les ongulés dépendra des compromis entre l'amélioration du fourrage estival et la réduction fonctionnelle de l'aire d'hivernage, déterminés par les caractéristiques de la communauté des prédateurs".
Cela signifie que l'augmentation de la taille et de la gravité des incendies de forêt a modifié la façon dont certaines populations animales cherchent leur nourriture. C'est le cas notamment du cerf mulet occidental.
L'étude indique également que l'augmentation de la canopée forestière brûlée a entraîné un certain nombre d'effets secondaires totalement inattendus.
C'est le cas dans une grande partie de l'Ouest américain, où les feux de forêt ont servi un objectif historique important. Par exemple, les incendies ont nettoyé et dégagé le sous-bois. Ils ont aussi permis à la végétation comestible de se développer.
Des incendies plus puissants et plus durables ont brûlé une plus grande partie de la canopée forestière et créé des zones de repousse très productives. Par conséquent, les populations de cerfs mulets apprécient ! Les chercheurs ont constaté que pendant les mois d'été, ces animaux migraient vers ces espaces à la recherche de nourriture.
Mais pendant les mois d'hiver, les populations de cerfs mulets évitent les zones de forêt qui ont connu des incendies plus dévastateurs et destructeurs. Mais pourquoi donc ?
Les chercheurs ont également découvert que l'augmentation du niveau de la canopée forestière brûlée, qui rendait certaines zones forestières désirables en été, entraînait également une augmentation des chutes de neige sur ces sols en hiver, un problème normalement régulé par les branches des arbres plus âgés et plus grands.
L'augmentation des chutes de neige a entraîné une diminution de la végétation comestible pour les cerfs mulets et a rendu plus difficile la traversée des animaux dans ces sections de forêts récemment brûlées. De plus, ces derniers sont devenus des cibles plus faciles pour leurs proies.
Les chercheurs de l'étude ont remarqué que "les cerfs mulets sont plus vulnérables aux carnivores, car leurs pinces s'enfoncent dans le manteau blanc, alors que les prédateurs comme les loups et les pumas ont des pattes plus larges qui les aident à marcher sur la neige".
Les auteurs de l'article ont également souligné qu'après un incendie, les repousses et les arbres tombés au sol constituaient un abri parfait pour les prédateurs qui traquaient leurs proies.
Tout cela a influencé le comportement des cerfs, qui se déplaçaient pour se nourrir et évitaient les endroits où se trouvaient les loups et les pumas. Dans l'État de Washington, les chercheurs ont constaté qu'ils étaient moins susceptibles de migrer vers les forêts brûlées où la menace d'activité des prédateurs était élevée.
Mais les cerfs semblent également influencés par la gravité d'un feu de forêt ou le temps écoulé depuis le début de l'incendie. Il s'agit là d'une conclusion étonnante qui a aidé les chercheurs à mieux comprendre comment le changement climatique affectera les futures générations d'animaux dans les régions touchées par les incendies.